Dans son cinquième long métrage Nitram, Justin Kurzel [Macbeth (2015), Le Gang Kelly (2019)] nous plonge dans un oppressant thriller psychologique et social, questionnant le mystère des crimes de masse.
Depuis Les Crimes de Snowtown (2011), son premier film, ce réalisateur australien s'intéresse aux mécanismes de la violence chez les adolescents sans pour autant s'inscrire dans un cinéma manichéen. Inspiré par le contexte familial des tueries de masse le réalisateur australien a jeté son dévolu sur le scénario de Shaun Grant. Ce dernier a été fortement impressionné par la tragédie de Port-Arthur (1996), qui coûta la vie à 35 personnes.Et Kurzel dans son film fait le pari délicat de retracer le parcours du tueur de Port-Arthur, Martin Bryant, surnommé « Nitram », privilégiant une vision cinématographique à la fois distanciée et expressive. Pour interpréter ce tueur impitoyable, adepte dès son plus jeune âge de pétards et feux d'artifices, il a choisi l'acteur Caleb Landry Jones, que l'on avait pu voir entre autres dans le drame fantastique Byzantium de Neil Jordan et dans le drame criminel God's Pocket de John Slattery. Pout Nitram Kurzel s'est intéressé exclusivement à l'avant du crime.
Et d'une certaine façon son long métrage peut être perçu comme un habile description à la fois de son milieu familial immédiat et de son personnage principal, de l'enfance à juste avant le crime. Dans Nitram le réalisateur privilégie une narration réaliste qui sait prendre son temps, mettant plutôt l'accent sur le désarroi des proches de Nitram et leur difficile interaction avec cet ado mentalement instable, ne parvenant jamais véritablement à communiquer avec les autres à cause de ses frasques et de ses accès de violence.
Avec un certain talent Kurzel s'inscrit dans un cinéma intimiste douloureux, nous montrant Nitram, abonné aux antidépresseurs et bénéficiaire d'une pension d'invalidité, comme l'éternel repoussoir du voisinage. Il nous le dépeint, coincé entre une mère anxieuse et un père absent. Dans ce rôle d'adolescent paumé et imprévisible Caleb Landry Jones s'en sort tout à fait honorablement, à la fois imprégné par le côté tragique du personnage et sa solitude désespérée. La rencontre de Nitram avec la riche et marginale Helen et la description de son installation dans sa maison contribue à donner au film une touche moins dure. D'une certaine façon cette mystérieuse femme, aussi murée dans des soucis, et qui paraît accepter Nitram comme il est (le laissant habiter dans sa maison), humanise le personnage.
Cependant, Nitram se profile comme une implacable tragédie. En effet, le personnage principal provoque, par l’une de ses réactions, un accident à la suite duquel sa bienfaitrice meurt. A partir de ce point de non-retour la violence de Nitram et sa pulsion de mort nous est suggérée dans toute son effrayante puissance. Au final, Nitram est une étude de mœurs plutôt bien menée. Distillant en permanence un climat à la fois suggestif et inquiétant Nitram questionne la difficulté et l'incompréhension de nos sociétés modernes à apprivoiser la violence et la mort.
durée : 1 h 50
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