lundi 25 avril 2022

Ogre



Avec Ogre, Arnaud Malherbe signe un curieux premier long métrage de genre. Entre thriller et fantastique, le réalisateur s'était déjà fait remarquer avec Moloch pour ses atmosphères léchées et angoissantes à l'esthéthique captive et raffinée. Cette  récente série racontait, dans le cadre  d'une ville côtière, l'enquête délicate d'une journaliste et d'un psychiatre autour de cas de combustions spontanées. Originaire de l'Orne, Arnaud Malherbe, qui a grandi autour des chevaux, plante le décor de son film dans le cadre rural magnifique du Morvan. Contournant les grosses ficelles du fantastique avec effets visuels répétitifs, il privilégie plutôt un cinéma de genre imprégné d'une certaine poésie tout en interrogeant nos peurs les plus archaïques.

 Ogre

Il y a dans Ogre un discret questionnement  social à travers  la description de l'arrivée et de l'intégration d'une mère (Chloé) et de son fils (Jules) dans un village de la France profonde. Chloé a choisi de devenir institutrice dans ce village pour fuir  un passé douloureux. La désertification rurale, le harcèlement scolaire et la solitude à la campagne y apparaissent comme des thèmes sous-jacents. S'écartant intelligemment de l'image stéréotypée d'un ogre aux gros sabots  le réalisateur  a choisi une intéressante forme cinématographique à la fois suggestive et sonore  pour incarner cette image allégorique repoussante. 

Ogre

L'Ogre est-il le fruit d'une construction mentale imaginaire née de la crainte de l'enfant, d'autant plus fragilisé par un handicap auditif ? Ou au contraire l'ogre s'incarne-t-il à travers la figure sympathique et inquiétante  du médecin de village, personnage d'autant plus conflictuel pour l'enfant qu'il est devenu l'amant de sa mère ?  Subtilement,  Ogre distille un suspense anxiogène,  naviguant entre conte onirique et naturalisme campagnard. A la fois expressionniste, réaliste et fantastique, Ogre distille un  curieux style cinématographique hybride. La scène de la  rencontre  de Chloé et des chasseurs rappelle les codes du western. Celle de la fête foraine évoque un certain cinéma populaire français des années 60. 

Ogre

Quant à la description de la forêt avec sa langueur de mangrove et ses nuées d'oiseaux, elle a un côté très pictural qui peut rappeler l'iconographie mélancolique et étrange  des Préraphaélites mais aussi l'ivresse bucolique et le penchant pour les luminosités d'un Corot ou d'un Daubigny.  Ogre est un film en tout cas qui joue habilement sur le registre de l'intimité et des sensations avec de gros plans sur la peau et sur les yeux des trois personnages principaux - Chloé, Jules, le médecin.   On passe très facilement dans ce long métrage de la peur à la douceur, de la joie au désarroi, du spectaculaire à l'angoisse individuelle.

Ogre

Habilement,  Malherbe construit un film flottant et créatif  dans lequel sonorités et paysages semblent répondre en écho aux interrogations profondes des personnages.  L'on signalera la belle performance d'Ana Girardot dans le rôle de Chloé et le jeu naturel et inventif de Giovanni Pucci dans celui de Jules. Après Teddy des frères Boukherma et La Nuée de Just Philippot,  Arnaud Malherbe avec Ogre renouvelle malicieusement et   même avec un certain brio le  cinéma de genre français inspiré par la ruralité.

Ogre, un film d'Arnaud Malherbe, France, 2019, couleur

Avec Ana Girardot, Giovanni Pucci, Samuel Jouy

durée : 1 h 43

Ogre




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