© Baptiste Lobjoy
Les Misérables - Théâtre de la Tempête
Au Théâtre de la Tempête Lazare Herson-Macarel met en scène de manière originale le chef d'oeuvre littéraire de Victor Hugo. Pari osé que celui de Chloé Bonifay et de Lazare Herson-Macarel de transposer le fameux roman de 1800 pages à notre époque, du début du XXIe siècle à aujourd'hui ! Les personnages légendaires des Misérables (1862), comme ceux d'ailleurs de Dickens ou de Zola - que pour ce dernier l'on retrouvait récemment à travers une nouvelle série sur Germinal - pourraient sembler définitivement appartenir au XIXe, siècle honni souvent synonyme de triomphalisme commercial et industriel arrogant, de misère humaine et d'injustices sociales.
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Les Misérables - Théâtre de la Tempête
Et pourtant... Subtilement, par petites touches, dans un spectacle à la fois tonique et à la tournure méditative, le metteur en scène nous embarque dans un long voyage théâtral de près de trois heures (mais sans pénibilité pour le spectateur !) avec des personnages « crédibles » comme le flic solitaire et paumé, la mère célibataire contrainte de se prostituer, le gosses de rue livré à lui-même, le mal logé à la fois bourreau et victime... Sans doute la grande réussite de cet ambitieux spectacle tient avant tout à son intéressante et mystérieuse progression théâtrale et à son climat entre chien et loup avant la grande tempête. Il y a d'abord l'exposition du particulier (forcément) douloureux de tous ces misérables. Puis il y a cette grande fusion rédemptrice, symbolisée par le recours aux barricades, attirant à elles tous ces sans-grades et malheureux.
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Les Misérables - Théâtre de la Tempête
Au-delà des conditions matérielles terribles Hugo nous rappelait aussi dans Les Misérables la grande misère psychologique qui tenaillait la plupart de ces antihéros au nom de Fantine, Cosette, Javert, Valjean ou les Thénardier.... Mais face à aux ravages de la société et de l'âme Hugo nous signifiait aussi dans Les Misérables la force de l'amour et la possibilité d'une résilience. Fluide et rythmée, la progression dramatique du spectacle s'articule autour de tableaux courts et expressifs. Variés et suggestifs les décors évoluent constamment sur la scène, dans une ambiance tamisée rappelant un peu le cinéma expressionniste. Quant au choix théâtral de planter le lieu insurrectionnel de l'histoire dans un hôpital d'aujourd'hui, vu les tensions actuelles liées à l'actualité, il ne semble pas déplacé.
On signalera en tout cas la grande qualité de jeu des neuf comédiens qui sont de véritables caméléons, volant de rôle en rôle. Interprété par Eric Herson-Macarel, le personnage survolté de Gavroche ajoute à l'ensemble une délicieuse touche surréaliste. Mix de clown Zavatta, de pitre télévisuel et d'anar des faubourgs, il incarne à la fois la rébellion permanente des jeunes, la défiance pour toute autorité et aussi sans doute la conscience malheureuse chez les exclus de la nature tragi-comique de l'Histoire. Au final, cette adaptation se profile une grande réussite. Elle prend - théâtralement parlant - à bras le corps toute la dimension sociale et poétique du roman, restituant son aspect profondément humain.
durée estimée : 2 h 50
Les Misérables
texte : Chloé Bonifay, Lazare Herson-Macarel
d’après Victor Hugo
Mise en scène : Lazare Herson-Macarel
Avec Philippe Canales, Céline Chéenne, Émilien Diard-Detœuf, David Guez, Sophie Guibard, Eric Herson-Macarel, Karine Pédurand, Claire Sermonne, Abbes Zahmani
Théâtre de la Tempête (salle Serreau)
Cartoucherie- Route-du-Champ-de-Manoeuvre
Paris 12e
horaires : du mardi au samedi (20 h), dimanche (16 h)
jusqu'au 25 novembre 2021
© Baptiste Lobjoy
Les Misérables - Théâtre de la Tempête
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