Peintre original et délicat,
Fernand Khnopff (1858-1921) reste encore peu connu du grand public. Au Petit Palais une expo copieuse rappelle l’œuvre raffinée et mystérieuse du maître du symbolisme belge.
Depuis près de 40 ans aucune rétrospective n’avait été consacrée à ce géant de la peinture, fervent admirateur de l’œuvre colorée et pulsionnelle d'un
Gustave Moreau ou d'un
Eugène Delacroix. A la fois peintre, graveur et sculpteur, cet artiste énigmatique fut l’un des représentants les plus percutants du symbolisme figuratif européen. Près de 150 œuvres, dont une large part issue de collections privées, sont proposées au Petit Palais, nous offrant là un point de vue inédit sur cette œuvre très personnelle, « mysticisante » et d’un grand raffinement technique.
I Lock My Door Upon Myself
1891, huile sur toile, 72 x 140 cm, Munich, Neue Pinakothek
Crédit : Photo BPK, Berlin Dist.
RMN-Grand Palais images BStGS
S’il fallait absolument classer
Khnopff on le placerait volontiers quelque part entre l'Anglais
Edward Burne-Jones, le plus élégant des préraphaélites, et
Gustav Klimt, le Viennois tourmenté explorant le processus de symbolisation à travers l'élément décoratif. Par sa vision onirique et sa spiritualité diffuse, la peinture de
Khnopff a quelque chose de magnétique. Comme son ami anglais
Edward Burne-Jones [
A Londres (jusqu'au 24 février 2019) la Tate Gallery présente la première rétrospective consacrée au peintre Edward Burne-Jones (1833-1898) depuis plus de 40 ans], dont certaines œuvres figurent dans l’expo du Petit Palais,
Khnopff s’est spécialisé très tôt dans des figures ambigues souvent androgynes.
Photo F. Maes
Portrait de Marguerite Khnopff, 1887, huile sur toile, 96 x 74,5 cm, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin. Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles (dépôt). MRBAB, Bruxelles.
Deux types de femmes d'ailleurs caractérisent généralement son œuvre : la femme sphinx et la femme ange. Elles sont le plus souvent entourées d'objets chargés de symboles ou plongées dans une profonde rêverie. Passionné par la mythologie et l’ésotérisme - il fréquentait les Rose-Croix -
Khnopff était particulièrement fasciné par
Hypnos, la figure du dieu du Sommeil, féconde dans son oeuvre. Parmi les autres sources d’inspiration du peintre figure le grand peintre du XVe siècle
Memling. En outre, des écrivains belges de sa génération comme
Grégoire Le Roy et
Georges Rodenbach furent pour lui une source d'inspiration. Le processus de travail de
Khnopff nous éclaire aussi sur sa personnalité.
Fernand Khnopff (Belgian, 1858–1921). Hortensia, 1884. Oil on canvas; 18 13/16 x 23 1/2 in. (47.8 x 59.7 cm). The Metropolitan Museum of Art, New York, Purchase, Bequest of Julia W. Emmons, by exchange, and Catharine Lorillard Wolfe Collection, Wolfe Fund, and Promised Gift of Charles Hack and the Hearn Family Trust, 2015 (2015.263)
Il choisissait quasi-exclusivement ses modèles parmi des proches : sa mère, sa sœur Marguerite, omniprésente dans ses tableaux, ou encore des enfants d’amis comme ce
Portrait de Mademoiselle Van der Hecht qui nous rappelle que l’artiste avait la capacité de capter autant la mélancolie enfantine que celle des adultes. Portraits, nus, paysages, scènes mythologiques… Variée, l'expo reflète tous les aspects avant-gardistes de l'oeuvre de
Khnopff. Par sa nature même allégorique le symbolisme de
Khnopff semble échapper à toute définition. Déjà jaugeant ce mystère un certain critique d'art,
Edmond-Louis De Taeye, écrivait en 1898 à propos de
Khnopff : « Ni religieux, ni chrétien, ni mythologique, mais plutôt emblématique ». Le peintre, lui-même, expliqua le mode de fonctionnement de son travail et sa conception de la liberté artistique comme dans cet extrait :
Portrait de Mademoiselle Van der Hecht 1889, huile sur toile, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Bruxelles.
Crédit : Photo J. Geleyns/ Art Photography
« Je pense qu'il faut (...) qu'il n'y ait qu'allusions. Nommer un objet c'est supprimer les trois quarts de la jouissance du poème qui est faite de deviner un peu. Le suggérer, voilà le rêve. C'est le parfait usage de ce mystère qui constitue le symbole : évoquer petit à petit un objet pour montrer un état d'âme ou, inversement, choisir un objet et en dégager l'état d'âme par une série de déchiffrements. »
Expo
Fernand Khnopff - Le maître de l'énigme
Petit Palais
Musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris
Avenue Winston-Churchill
Paris 8e
horaires : du mardi au dimanche de 10 h à 18 h, nocturne les vendredis jusqu'à 21 h, fermé les lundis
jusqu'au 17 mars 2019
Une ville morte - 1889
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