Entre document social et fiction poétique Une année polaire de Samuel Collardey raconte la première année d’un instituteur danois dans un village groenlandais de la côte Est.
Pour son 4e long métrage, le réalisateur a jeté son dévolu sur une petite communauté inuit de 80 habitants, celle de Tiniteqilaaq écartelée entre tradition et modernité. Le cinéma de Samuel Collardey interpelle à la fois par la qualité documentaire de ses réalisations et une forte vision esthétique et populaire. En effet, film après film, il propose une réflexion perçante - et d'ailleurs plutôt rare dans le cinéma français - sur des thèmes généreusement orientés vers la famille, la paternité, la transmission des valeurs mais aussi la fragilité issue de cette permanence.
Son premier long métrage L’apprenti (2008) esquissait le portrait d’un jeune travailleur dans une ferme du Haut-Doubs. Tempête (son avant-dernier) proposait une réflexion aiguë sur le choix du métier de marin-pêcheur. Dans Une année polaire Anders Hvidegaard interprète son propre rôle, celui d’un instituteur danois confronté au quotidien à une classe turbulente d’enfants inuit, davantage intéressés par les techniques de pêche et de chasse de leurs grands-parents que par les subtilités de la langue danoise ou la personnalité de Martin Luther. Dans une progression subtile, nous suggérant l’empathie des enfants pour leur instituteur après une période d'hostilité, Une année polaire décrit le long processus aboutissant à une certaine complicité de l’instituteur avec ces enfants et leur famille (parents, grands parents).
Evitant les pièges d'un moralisme écolo ou d'un didactisme propret façon mauvaise conscience occidentale, Une année polaire nous laisse deviner néanmoins tout le décalage existant entre cette communauté inuite et ce modèle danois, ressenti sans doute par bon nombre de ces familles comme lointain et arrogant. En effet, par de simples allusions, Une année polaire fait ressortir la problématique de la fin de la culture traditionnelle inuite et l' incapacité - partielle - des Inuits à s’intégrer : chômage massif, politique massive d’allocations, fort alcoolisme, nostalgie du mode de vie traditionnel, méfiance envers les Danois…
Optimiste, la seconde partie du film nous montre Anders presque définitivement adopté par la communauté, partageant les loisirs des familles de ses élèves en quelque sorte « apprivoisés ». Bien sûr, il ne s’agit pas stricto sensu d’un documentaire classique et Collardey accompagne sa réalité vibrante et méditative de quelques scènes fictives comme l’enterrement du grand-père d’Asser (11 ans). L’on ajoutera qu’Une année polaire est souvent traversée par un climat pictural et littéraire, notamment par la puissance évocatrice de superbes paysages et par la découverte de la faune (ours, phoque, chien de traîneau) de l’Ouest du Groenland. Avec son cinéma documentaire à la forme un peu hybride, Collardey nous propose là une œuvre forte et énigmatique, explorant de façon métaphorique les thèmes de l’identité, du désir et de la frustration des populations minoritaires.
durée : 1 h 30
Une année polaire, un film de Samuel Collardey, France, 2017
Avec Anders Hvidegaard, Asser Boassen, Thomasine Jonathansen, Gert Jonathansen, Julius B. Nielsen et Tobias Ignatiussen
durée : 1 h 30
Une année polaire, un film de Samuel Collardey, France, 2017
Avec Anders Hvidegaard, Asser Boassen, Thomasine Jonathansen, Gert Jonathansen, Julius B. Nielsen et Tobias Ignatiussen
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