lundi 21 mai 2018

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête





Avec Le ciel étoilé au-dessus de ma tête Ilan Klipper signe un surprenant premier long métrage de fiction. Propulsé sur un mode tendre et grinçant, cette tragi-comédie contemporaine aborde sur un ton décalé et moderne le thème de la condition de l’artiste.


Orienté vers le cinéma documentaire Ilan Klipper a notamment réalisé divers films sur l’environnement psychiatrique (Saint-Anne, 2010) et d’autres institutions sociétales (Commissariat, 2009). Tant par sa forme que par son propos, Le ciel étoilé au-dessus de ma tête se révèle un film original, mêlant à la fois réalisme mordant, dandysme kitsch et incursions fantastico-psychanalytiques. Au début du film, le décor claustrophobe de l'appartement de Bruno (le personnage principal) donne le ton. (Il ne se profile pas moins flippant que ceux d’un Gaspar Noé ou d’un David Lynch.)

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête

Interprété subtilement par Laurent Poitrenaux  - (Victoria, 2016, de Justine Triet) - Bruno est un écrivain célibataire vieillissant,  frustré par une médiatique  gloire littéraire ancienne, menant une vie de patachon et vivant en colocation avec une jeune Femen. Avec une certaine délectation Klipper  filme son antihéros, mix de dandy décadent  XIXe siècle style  des Esseintes et de traîne-savate doucement  mégalo, cultivant amoureusement sa différence et ses délires entre  gros dodo, confidences sur Internet et propos délicats sur lui-même.   (L'éruption furtive de Bruno dans un appartement par une fenêtre rappelle un zeste  l'image expressionniste du vampire félin cher à Dreyer et à Murnau.) Malicieuse, l’intrigue ne démarre vraiment qu’avec l’arrivée au domicile -  imprévue -  des parents de Bruno, accompagnés d’une jeune femme psychiatre, dont ce dernier tombe immédiatement amoureux.

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête

A la fois grave et loufoque Le ciel étoilé au-dessus de ma tête questionne  le spectateur sur la justification du placement d’office en environnement psychiatrique voulu par les parents. A la candeur naïve et au désir libertaire de Bruno de vivre sans contraintes s’oppose l’inquiétude mais aussi le conformisme de ses proches.  Au-delà du statut de l’artiste (ici un écrivain), Klipper semble surtout intéressé par   la question de son acceptation par la société.  A propos de son antihéros, le réalisateur explique ainsi sa démarche : « Pas question pour lui de faire des compromis. Ni avec sa famille, ni en amour, et surtout pas dans le travail. Il est dans une recherche d’absolu. » Son film titille un peu  le spectateur, posant une question crue et embarrassante : les petits délires de cet écrivain ingénu et fantasque, à la fois perturbé et perturbant, justifie-t-il une privation de liberté, même temporaire ?

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête

Même si la psychiatrie n’est pas au centre du film,  elle apparaît comme une des bases de réflexion soulevées par le long métrage.  Peut on s’arroger le droit d’enfermer quelqu’un parce que l'on ne le cerne pas ou que l'on rejette ses valeurs ? De façon amusante,  ce  long métrage réserve un constant suspense sur le sort de Bruno, multipliant les changements burlesques de situations, comme ci celles-ci mimaient les émotions violentes traversées par son personnage principal.  Une touche fantastique et baroque met  en relief dans des scénettes kitch et surréalistes les rêves et les cauchemars de Bruno. Amusante, la scène finale de la fête se profile comme une métaphore de la résistance de l’écrivain aux valeurs de la société incarnée par son entourage. A la fois film intimiste  dur et drôle par son propos, Le ciel étoilé au-dessus de ma tête  est une œuvre originale qui jette un regard acerbe sur le monde contemporain.

durée : 1 h 15

Le ciel étoilé au-dessus de ma tête, un film de Ilan Klipper, France, 2017
Avec Laurent Poitrenaux (Bruno Weintraub), Camille Chamoux (Sophie Andreux), Marilyn Canto (Laetitia), Alma Jodorowsky (Justyna), Michèle Moretti (Simona, la mère), François Chattot (Maurice, le père), Frank Williams (Alain)




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