lundi 19 juin 2017

Nouvelle histoire des guerres de Vendée



Dans leur ouvrage fleuve Nouvelle histoire des guerres de Vendée, l’historien Jean-Joël Brégeon et le journaliste-écrivain Gérard Guicheteau proposent un regard neuf des plus documentés sur la plus sanglante guerre civile qu’ait connue la France depuis celles de Religion au XVIe siècle.

Du nom donné à celles menées par les catholiques et les royalistes de l’ouest de la France contre la Révolution, les guerres de Vendée ont coûté la vie à plusieurs dizaines de milliers de Français. Dans un livre de près de 400 pages, Guicheteau et Brégeon [auteur de Kléber et de Carrier et la Terreur nantaise] nous proposent un livre érudit et à la lecture aisée, dressant une forme de synthèse historique de tous les évènements importants des guerres de Vendée, de 1793 à 1832. Ils en scrutent toutes les composantes politiques, économiques, culturelles religieuses ou anecdotiques, envisageant aussi bien les batailles militaires que le diabolique processus d’extermination du peuple vendéen par les émissaires de la Convention.

Sujet tabou et brûlant de l’Histoire car liant inexorablement le génocide vendéen aux premiers pas de la République jacobine, le thème des Guerres de Vendée se profile par nature « polémique ». C’est aussi un des grands intérêts du livre d’évoquer cette fracture idéologique depuis plus de deux siècles, signalant des extraits « expressifs » de la vaste historiographie sur le sujet, allant des récits victimaires de certains historiens royalistes aux proses républicaines exaltant l’héroïsme des Bleus tout en minimisant leur sauvagerie. Relatés de façon chronologique, les principaux évènements de Vendée y sont relatés, des trois guerres de Vendée à la « Petite chouannerie de 1815 ». Quant aux principaux chefs de l’insurrection vendéenne, ils font l’objet de portraits vifs et diversifiés. Composés de petits nobles provinciaux (Bonchamps, Lescure, d’Elbée, La Rochejaquelein, Charrette) et de roturiers au destin surprenant (le colporteur Cathelineau et le garde-chasse Stofflet), les auteurs nous les montrent à la fois ambitieux et héroïques mais profondément divisés et piètres politiciens. (La plupart d’entre-eux seront fusillés ou tués au combat.)

Jean-Baptiste Carrier, estampe de François Bonneville,
 Paris, BnF, département Estampes et photographies, 1796 

Egalement, l’essai convainc par sa volonté de dépasser l’image d’Epinal généralement attribuée au paysan vendéen, fidèle au roi et trop attaché à l’Eglise. Les auteurs signalent que « la Vendée de 1793 est un objet historique complexe, fuyant même, qui peut se prêter à toutes les interprétations ». Néanmoins, la spécificité de la Vendée - par rapport au reste de la France - y est souvent évoquée et est sans doute une clé pour mieux appréhender les évènements tragiques qui s’y déroulèrent. On apprend dans ce livre qu'à l’écart de la religion officielle, des congrégations religieuses mystiques persistaient dans la campagne vendéenne. Ainsi, « les mulotins » et les Sœurs de la sagesse établissaient une forte complicité avec les habitants à majorité paysanne. L’ouvrage consacre naturellement une place importante à l’idéologie jacobine exterminatrice, qui finira par l’emporter. Pour se débarrasser des « brigands » et « fanatiques Vendéens » les grands noms de la Convention (Robespierre, Couthon, Barère) sauront trouver les hommes les plus acharnés et impitoyables (Carrier, Turreau, WestermannFrancastel) pour appliquer leurs effroyables consignes.

Henri de La Rochejaquelein au combat de Cholet, 17 octobre 1793,
 peinture de Paul-Emile Boutigny, musée d’art et d’histoire de Cholet 

Voici, une fois sa mission accomplie après la bataille de Savenay [23 décembre 1793]  ce qu'écrivit le général Westermann au Comité de salut public : Il n'y a plus de Vendée. Elle est morte sous notre sabre avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l'enterrer dans les marais et les bois de Savenay. J'ai écrasé les enfants sous les pieds de nos chevaux, massacré les femmes qui, au moins celles-là, n'enfanteront plus de brigands. Je n'ai pas un prisonnier à me reprocher. J'ai tout exterminé... Nous ne faisons pas de prisonniers, car il faudrait leur donner le pain de la liberté, et la pitié n'est pas révolutionnaire.  Noyés, fusillés ou jetés dans des fours, le chiffre des massacrés est encore aujourd'hui difficile à établir.   Les derniers feux du conflit vendéen s’éteindront en 1832 avec les infructueuses tentatives de la duchesse de Berry pour soulever les provinces de l’Ouest.

Jean-Joël Brégeon, Gérard Guicheteau, Nouvelle histoire des guerres de Vendée, éditions Perrin, 432 pages, 2017

* les illustrations ne figurent pas dans le livre













Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire