lundi 27 juin 2016

Walter Sickert (1860-1942), l’art de l’énigme



Précurseur de la peinture figurative moderne, Walter Sickert (1862-1942) reste pourtant méconnu du grand public. Dans un ouvrage érudit et passionnant à la riche iconographie, Delphine Lévy propose dans Walter Sickert, l’art de l’énigme une découverte de l’excentrique peintre anglais aux œuvres intimistes et dérangeantes.


Artiste résolument à part, Walter Sickert a longtemps traîné une réputation sulfureuse. Cette première étude française consacrée à l'iconoclaste peintre souligne finement la place particulière qu’il occupe dans l’histoire de l’art.

Bathers [Baigneurs], Dieppe, 1902 
huile sur toile, 131,4 x 104,5 cm 
Walker Art Gallery, National Museums Liverpool 

« La sophistication et la complexité de ses tableaux font de Sickert un ‘peintre pour peintre’, qui a eu une influence bien supérieure à sa notoriété », signale Delphine Lévy dans sa conclusion. Dans la prude société victorienne, Sickert choquait par ses nus sans complaisance aux chairs avachies et aux contours flasques. Ces derniers eurent pourtant une belle influence sur ses compatriotes Francis Bacon (1909-1992) et Lucian Freud (1922-2011). Comme Bonnard et Vuillard, Sickert s’oriente vers la restitution d’atmosphères d’intérieurs confinés.

Ennui, 1914 
huile sur toile, 152 x 112 cm, Londres, Tate 

La plupart de ses tableaux laissent percer une sourde angoisse existentielle, comme dans l’explicite Ennui (1914), dont le climat étouffant rappelle ceux de Munch, de Valotton ou même de Hopper. Walter Sickert, l’art de l’énigme scrute le parcours artistique de l'homme l’étayant de solides repères biographiques. L’art de Sickert apparaît ainsi imprégné par la peinture moderne de son époque (notamment les Nabis) ainsi que par la dimension intimiste de la peinture de genre anglaise. Elève et collaborateur de Whistler dans les années 1880, il travaille aussi avec Degas

Woman Washing her Hair [Femme se lavant les cheveux], 1906 
huile sur toile, 45,7 x 38,1 cm, Londres, Tate 

A Dieppe, ville dans laquelle il séjourna longtemps, il rencontre son futur galeriste parisien Paul Durand-Ruel, par l’intermédiaire de son ami le peintre Jacques-Emile Blanche. Moderne et novatrice, l’œuvre de Sickert compte pas moins de 1500 peintures. Des salles mal famées de music-hall au nu féminin, des paysages urbains de Dieppe à Venise en passant par les scènes macabres tirées de faits-divers, des portraits de grand format aux œuvres des 15 dernières années inspirées par la photographie et les gravures…, Sickert aura beaucoup expérimenté, nous laissant perplexes devant son univers marqué par le mystère de ses tableaux, fruit d’une personnalité secrète et excessive.

Delphine Lévy, Walter Sickert (1860-1942), l’art de l’énigme, éditions Somogy, 152 pages / 80 illustrations, 2016

A signaler :
 Expo « Sickert à Dieppe. Portrait d’une ville » au Musée de Dieppe
jusqu’au 25 septembre 2016

Walter Sickert, 1911

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