lundi 28 septembre 2015

Les Vignes du Seigneur



Première œuvre commune des auteurs et librettistes Robert de Flers (1872-1927) et Francis de Croisset (1877-1937), Les Vignes du Seigneur (1923) est une comédie malicieuse, raillant l’aspiration sociale et l’univers bourgeois. Priscilla Caroni et Julien Bonnet mettent en scène ce succès parisien des Années folles sur un mode alerte et ironique.

Par son climat à la fois tendre, vaudevillesque et grinçant, l’on pourrait idéalement inscrire ce délicieux Les Vignes du Seigneur à la fois suranné (sur la forme) et moderne (sur le fond) entre Faisons un rêve de Sacha Guitry (1916) et Les Temps difficiles (1934) d’Edouard Bourdet. Avant d’être médiatisée en 1958 au cinéma par le film de Jean Boyer avec Fernandel - dans le rôle d’Henri Lévrier -, Les Vignes du Seigneur fut un succès populaire du théâtre du Boulevard pendant l’entre-deux-guerres.

Les Vignes du Seigneur - Théâtre Montmartre Galabru

Tout le sel de la pièce repose sur l’amusante description d’une famille composée d’une mère snob et autoritaire (Valentine Bourgeon), cherchant à tout prix à caser ses deux filles (Yvonne et Gisèle) afin d’accéder à la bourgeoisie. Egalement, parmi cette bande de personnages excentriques figurent Hubert, l’amant de Gisèle - qui rêve de devenir noble - et Henri Lévrier, un ancien pochard de retour en France après un long voyage aux Indes. Tout ce petit monde évolue dans des situations imprévues et comiques dans lesquelles évoluent une tante gaffeuse et énervante (Aline) et un Anglais BCBG  bon samaritain (Jack). Comme Guitry, de Flers et de Croisset étaient des auteurs mondains, fins connaisseurs des mœurs du Tout-Paris. Parfois, leurs comédies suscitaient même le scandale dans cet univers feutré et confidentiel des lettres, de la politique et des arts. Les Vignes du Seigneur dégage ce caractéristique parfum de raillerie à la fois léger et spirituel popularisé à l’époque par Caillavet, Sardou et Guitry.

Les Vignes du Seigneur - Théâtre Montmartre Galabru

Le boulevard s’y profile à la fois drôle et psychologique ! La mise en scène de Priscilla Caroni et Julien Bonnet reflète tout le charme de cette pièce, boostée par de savoureux dialogues avec des répliques insolentes et une belle brochette de subtils comédiens - habillés dans les costumes des années 30 - qui évoluent dans le décor opportunément rétro de style Art déco. Maniant l’ironie allusive Les Vignes du Seigneur dénonce les préjugés  mais aussi la fugacité des sentiments et opinions de leurs personnages. Dans la première moitié du XXe siècle de Flers et de Croisset abordaient des thèmes récurrents (le mariage, l’adultère, l’arrivisme social) un peu oubliés aujourd’hui mais popularisés avec succès par Eugène Labiche et Georges Feydeau. (Contrairement à de Flers et de Croisset ces deux auteurs dramatiques sont passés à la postérité.) Emblématique d’un théâtre distractif qui explore le social par la sphère privée, ces Vignes du Seigneur offrent un vrai régal théâtral, mettant en exergue à la fois la strate sociale et le ridicule des mondains.

Les Vignes du Seigneur - Théâtre Montmartre Galabru

durée : 1 h 45

Les Vignes du Seigneur, de Robert de Flers & Francis de Croisset 
Mise en scène : Priscilla Caroni & Julien Bonnet 

Avec Jean-Paul Debout (Henri Lévrier), Priscilla Caroni (Madame Bourgeon), Julien Bonnet (Hubert), Delphine André (Gisèle), Charlotte d’Ornellas ou Victoria Thil (Yvonne), Pierre Girard ou Emmanuel Gaury (Jack), Charlotte Le Bozec (Aline), Eric de Brosses (Jean)

Théâtre Montmartre Galabru
4, rue de l’Armée d’Orient
Paris 18e
les vendredis et samedis à 21 h 30 (jusqu’au 31 octobre), les dimanches 1er, 8 et 15 novembre à 15 h 30

jusqu’au 15 novembre 2015 

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