lundi 1 octobre 2012

Expo Bohèmes

Theodor von Holst (1810-1844) 

Le Vœu, 1840 
Huile sur toile, 90 x 71 cm 
Collection Brian Sewell 
© DigitisingArt.Co 



A travers quatre siècles de représentations artistiques, de Léonard de Vinci à Pablo Picasso, l’expo Bohèmes entraîne le visiteur dans un voyage à la rencontre de l’Autre : le bohémien. Appelé selon les périodes « Egyptien », « gitan » ou « manouche », il fascine durablement peintres, romanciers et hommes de théâtre.
Cette dimension symbolique, liée aux mythes, fait tout le sel de cette exposition, qui - heureusement - dans sa thématique a exclu les fades et conventionnelles oeuvres à la mode du XIXe siècle - néanmoins, l’on peut s’interroger sur le choix de Rêverie (1893), tableau plutôt mièvre et suranné de Charles Amable Lenoir, et affiche de Bohèmes. Rassurons tout de suite l'amateur d'art : l’expo se révèle passionnante, car l’ensemble des œuvres offre des climats très variés. Les peintres les plus célèbres, comme Hals, Georges de la Tour, Delacroix, Géricault, Gainsborough, Corot, Courbet, van Gogh, Bonnard, Cézanne, Manet, Renoir, Degas ou Picasso y côtoient d’autres plus confidentiels comme Régnier, Bollery, von Holst, Tassaert ou Boccaccino, l’Ancien. Et l'on  aura  plaisir à découvrir les œuvres de chaque artiste. Subtilement, l’expo se décline plurielle (« Bohèmes »). Elle fait cohabiter l’image symbolique du vagabond à celle de la bohème - style de vie adopté au XIXe siècle par des artistes et écrivains en réaction aux codes sociaux de leur époque. (En réaction avec le système d’enseignement traditionnel, les peintres de la bohème s’excluaient des grandes écoles d’art.) Ces deux termes « bohémien » et « bohème » à la fois complémentaires et ambivalents servent de point de départ original à cette expo fleuve, qui nous interroge sur la fascination des peintres pour ces êtres hâlés, enrobés de mystère (les diseuses de bonne aventure...), suscitant empathie ou méfiance.


Boccaccio Boccaccino, l’Ancien (vers 1465-vers 1525)
(1La Petite Bohémienne, vers 1505
Peinture sur bois, 24 x 19 cm
Florence, Galleria degli Uffizi
Su concessione del Ministero per i Beni e le Attivita Cuulturali
© /Achives Alinari, Florence, Dist. RMN / Nicola Lorusso

Frans Hals (1581/1585-1636)
(2La Bohémienne, vers 1630
Huile sur bois, 58 x 52 cm
Paris, Musée du Louvre
© RMN (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berrizi 


Georges de la Tour (1593-1652)
(3La Diseuse de bonne aventure, vers 1630
Huile sur toile, 102 x 123 cm
New York, The Metropolitan Museum of Art
© The Metropolitan Museum of Art, Dist. RMN/image of the MMA 



Nicolas Régnier (1591-1667)
(4Joueurs de cartes, vers 1625
Huile sur toile, 174 x 228 cm
Budapest, Museum of Fine Arts
© Museum of Fine Arts, Budapest 


Kees van Dongen (1877-1968)
(5La Gitane (la curieuse), vers 1911
Huile sur toile, 54 x 45 cm
Paris, Centre Pompidou
Musée national d’art moderne/Centre de création industrielle
Legs Georges Grammont 1959
Legs à l’Etat français pour dépôt au Musée de l’Annonciade, St Tropez
© RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski 


Caractérisés par des formes cubiques et des tons mélancoliques proches de la nature, les portraits du peuple tsigane par le peintre allemand Otto Mueller nous suggèrent leur mal-être. L’artiste expressionniste paraît simultanément y exprimer résignation et compassion. Quant à Courbet, attiré par toutes les errances, il représente les bohémiens sur le mode réaliste, se mettant lui-même en scène. Egalement, les peintres sont fascinés par la figure de la bohémienne, qui se profile mélancolique [La Petite Bohémienne (1) de Boccaccio Boccaccino, l’Ancien] ou rieuse [La Bohémienne (2) de Frans Hals]. Objet de multiples représentations - sainte, voleuse, séductrice -, elle crée un climat de suspicion comme dans La Diseuse de bonne aventure (3) de Georges de la Tour ou les Joueurs de cartes (4), de Nicolas Régnier. Enchanté par un séjour en Espagne, Kees van Dongen y peint La Gitane (la curieuse) [5] huile sur toile au style déco élégant et fluide. L’on signalera aussi Les Roulottes, campement de bohémiens aux environs d’Arles (6) de Vincent van Gogh, peintre à l’âme résolument nomade. Quant à la vie de bohème, elle s’exprime de façon réaliste par des représentations symboliques d’artiste incompris et solitaire, comme dans L’Homme à la pipe (7) de Gustave Courbet,  Intérieur d’atelier (8) d’Octave Tassaert et  Portrait d’un artiste dans son atelier (9), attribué à  Théodore Géricault. Egalement, l’on remarquera les humoristiques lithographies d’Honoré Daumier et les savoureuses gravures d’André Gill, jetant un regard décalé sur la bohème. Quant aux photos - début XXe siècle - d’Eugène Atget, elles constituent un document fort sur la présence de populations migrantes aux portes de Paris. 

Au final, par une scénographie originale, son séduisant parcours thématique et l’exceptionnelle qualité des tableaux présentés, Bohèmes se profile comme une des expositions parisiennes les plus intéressantes de cette saison.



« Nous sommes des oiseaux de passage, demain nous serons loin… »

(proverbe rom)

6Vincent van Gogh (1853-1890)
Les Roulottes, campement de bohémiens aux environs d’Arles, 1888
Huile sur toile, 45 x 51 cm
Paris, Musée d’Orsay
© RMN (Musée d’Orsay) / Hervé Lewandowski 

(7) Gustave Courbet (1819-1877)
L’homme à la pipe, 1846
Huile sur toile, 46 x 38 cm
Montpellier Agglomération, Musée Fabre
© RMN / Agence Bulloz 


Octave Tassaert (1800-1874)
(8Intérieur d’atelier, 1845
Huile sur toile, 46 x 38 cm
Paris, Musée du Louvre
© RMN (Musée du Louvre) / Jean-Gilles Berizzi 

Attribué à Théodore Géricault (1791-1824)
(9Portrait d’un artiste dans son atelier, 1812
Huile sur toile, 147 x 114 cm
Paris, Musée du Louvre
© RMN (Musée du Louvre) / Gérard Blot

Expo Bohèmes

Grand Palais (entrée Clemenceau)
3, avenue du Général-Eisenhower
Paris 8e
Ouvert tous les jours sauf le mardi de 10 h à 20 h, et nocturne le mercredi jusqu’à 22 h

du 26 septembre 2012 au 14 janvier 2013

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