Le poids du mensonge

 

A La Manufacture des Abbesses (Paris 18e) l'on peut découvrir Le poids du mensonge, thriller psychologique à suspense à l'humour noir et grinçant, inspiré de l'affaire  Jean-Claude Romand. Ecrite et subtilement mise en scène  par Mitch Hooper, cette tragi-comédie moderne questionne notre sens de la normalité à travers la notion de mensonge. En 1993, l'affaire Jean-Claude  Romand avait défrayé le monde judiciaire. Ce tragique fait divers familial inspira de nombreux écrivains et scénaristes tant par la singularité de la personnalité de l'assassin que par l'étrangeté des faits révélés. En effet, pendant deux décennies, l'homme avait endossé le rôle  d'un faux notable et médecin de l'OMS, mentant à sa propre famille, qu'il finit  par assassiner, acculé par l'accumulation de ses contradictions.

Le poids du mensonge - Manufacture des Abbesses

Dans Le poids du mensonge  Mitch Hooper transpose ce personnage de grand manitou de l'OMS en celui d'un éminent publicitaire (Jean) admiré de tous.  Dans ce personnage d'homme charmant et manipulateur Julien Muller se révèle très crédible. Il forme un intéressant duo théâtral avec Anatole de Bodinat,  qui se glisse de manière très convaincante dans la peau d'un ancien camarade de classe devenu prof, frustré par ses échecs littéraires.  Quant à Anne Coutureau dans le rôle de Carole (la femme de Jean), elle interprète avec beaucoup de délicatesse un rôle de femme que l'on devine dépressive et révoltée, à la fois impuissante à faire face aux turpitudes de son mari et obligée de cautionner vis vis de son entourage ses mensonges. 

Le poids du mensonge - Manufacture des Abbesses

Enfin, l'on signalera la belle performance de Sophie Vonlanthen dans le personnage de Laurence, femme de Marc. Dénigrant à la fois son mari et mettant sur un piédestal le publicitaire, à la fois indiscrète et groupie, elle nous apparaît comme un des maillons essentiels qui participe à la construction voire au renforcement du mensonge de Jean.    Pour ce spectacle à la forme moderne le metteur en scène a choisi une scénographie sobre avec quelques éléments de mobilier et une maison suggérée  par une porte et un pan de mur. En outre,   les deux couples nous apparaissent en flash back, le jour et la veille du meurtre. Il en résulte un climat théâtral un peu métaphysique, distillant le suspense entre théâtre de boulevard et drame à la Ibsen ou plutôt... à la Chabrol.  

Le poids du mensonge - Manufacture des Abbesses

Par son climat moite et indécis,  Le poids du mensonge rappelle un peu Le Bizarre incident du chien pendant la nuit (2003), roman de Mark Haddon  mais aussi  les délicieuses short stories de Raymond Carver (1938-1988) au parfum tout hitchcockien. Ces dernières mettaient en exergue les masques grinçants et les secrets inavouables de familles de la moyenne classe américaine.   L'on relèvera dans Le poids du mensonge   l'importance des thèmes de l'argent et de la crise conjugale, ce qui donne à l'ensemble une intéressante touche  pintérienne. (Aujourd'hui directeur artistique de la compagnie Body and Soul/Corps et Ame, Mitch Hooper  a été l'assistant d'Harold Pinter et a bénéficié de son encouragement et ses conseils jusqu'à sa mort en 20008.)  Au final par la qualité de jeu des comédiens et par le suspense psychologique émanant du texte de Mitch Hooper l'on recommandera vivement ce spectacle !

durée : 1 h 40

Le poids du mensonge

Texte et mise en scène : Mitch Hooper
Distribution : Anne Coutureau, Anatole de Bodinat, Sophie Vonlanthen, Julien Muller 

Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
Paris 18e
horaires : du jeudi au samedi à 21 h et le dimanche à 17 h

du 24 août au 15 octobre 2023