lundi 31 octobre 2022

Dans les forêts de Sibérie



Au Théâtre de poche Montparnasse William Mesguich (interprétation et mise en scène) reprend Dans les forêts de Sibérie de Sylvain Tesson, interrogeant subtilement à travers la métaphore du voyage et l'aspiration à l'ascétisme la place de l’homme dans la société. Ecrivain voyageur Sylvain Tesson pendant six mois s’installa dans une cabane au fin fond de la Sibérie. Dans un espace scénique sombre et intimiste (livres, poële, lit) William Mesguich nous fait partager le Journal ou « carnet d’ermitages » de Tesson, récit initiatique nous contant par le menu toutes les situations nouvelles d’un homme occidental confronté à un nouveau mode de vie : dormir, se chauffer, se nourrir, méditer, écouter la nature. D’une voie claire et apaisante Mesguich évoque au fil des mois ce séjour inoubliable : beauté sauvage du lac Baïkal, cimes neigeuses qu’il entrevoit da sa fenêtre, jeu folâtre d’une mésange qu’il cherche à apprivoiser ou encore rencontres avec un pêcheur de la région. Il décrit aussi la flore et la faune qui l'entourent, rappelant qu'il parcourt certains jours plusieurs kilomètres autour de sa cabane, tantôt à pied, tantôt en patin à glace ou en kayak, ce qui donne un portrait aussi descriptif qu'évocateur de la Sibérie. Le ton du récit est à la confidence avec une certaine ferveur mystique. Néanmoins, au fil du récit, le spectateur sera amené à comprendre que que ce grand voyageur ne peut s’extirper tout à fait d'un fort sentiment de solitude et que la société de consommation, qu’il excrée sans doute, revient fréquemment le hanter, notamment par le biais de son téléphone cellulaire, qui lui apprend la rupture de sa femme. Finement, s’inscrivant avec fluidité dans ce personnage de voyageur idéaliste et passionné, Mesguich interprète d'un jeu naturel presque tendre cet homme à la fois ermite et cultivé, profitant de son séjour de 6 mois dans cette isba matricielle pour relire Tolstoï, Mishima et Casanova.

William Mesguich 

Il nous apparaît comme un  personnage rousseauiste  méditant à la fois avec délices et une certaine mélancolie sur son désengagement envers la société et  sur son nouveau mode de vie  d’où cette impression de constante solitude heureuse que durant tout le spectacle Mesguich exprime avec force.  A travers cet énigmatique monologue aux contours panthéistes et philosophiques nous est suggérée aussi toute l’intensité du désir de changement de l’homme idéaliste mais aussi toute la fragilité de son système de pensée.  Intimiste et ambivalent le texte de Tesson reflète d'une certaine façon tout le désarroi existentiel de l’homme occidental blasé par ses conditions de vie et cherchant le fameux surplus spirituel.  A une époque où les questions sur l’environnement et l'écologie - impliquant  des modes nouveaux de gestion économique et politique - sont quotidiennes le texte de Tesson prend une dimension existentielle non usurpée. Mais davantage qu’un amour démesuré pour la nature Dans les forêts de Sibérie met peut-être simplement en exergue le désir d’authenticité d'une génération confrontée  à l’ennui et  à l'indifférence.

J'ai tâché d'être heureux.
Je crois y être parvenu.
Deux chiens, un poêle à bois, une fenêtre ouverte sur un lac suffisent à la vie.
Et si la liberté consistait à posséder le temps ?
Et si le bonheur revenait à disposer de solitude, d'espace et de silence - toutes choses dont manqueront les générations futures ?
Tant qu'il y aura des cabanes au fond des bois, rien ne sera tout à fait perdu.

Dans les forêts de Sibérie, Sylvain Tesson, 2011, éditions Gallimard

durée : 1 h 20

Dans les forêts de Sibérie (reprise), d'après le livre de Sylvain Tesson
Avec William Mesguich

Reprise
Théâtre de Poche-Montparnasse
75 boulevard du Montparnasse
Paris 6e
horaires : tous les lundis à 19 h

jusqu'au 26 décembre 2022





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