Au-delà du caractère apparemment banal de simples disparitions, le spectacle - bien rodé et évoluant dans un constant climat de mystère - s’attache à décrire le processus mental, qui consiste, du jour au lendemain, pour « ces évaporés » à quitter leurs racines pour une vie de paria. Davantage, il met en exergue la possession malheure qu’exerce ces absents sur la vie psychique de leurs proches. Au Japon cette évaporation (inexplicable pour nous Occidentaux qui n'avons pas la même conception de l'honneur) est le plus souvent le fruit d’un sentiment de déshonneur cruellement ressenti que ce soit à la suite d’un licencieent, d’un divorce ou d’une dette.
Les Evaporés - Théâtre de la Tempête
Le sociologue David Le Breton a écrit justement : « se retirer est l’ultime possibilité de ne pas être écrasé. »* Les Evaporés sont les Intouchables du Japon. Qu'ils travaillent clandestinement sur des chantiers ou pour des Yakuzas, les mafieux japonais, le sentiment de perte et de honte paraît irréversible. Logés dans les quartiers interlopes de Tokyo ou d'Osaka, ils errent dans les rues, amputés de leur mémoire. Parfois repérés par les yakuzas, ils œuvrent aux basses tâches. Subtilement, dans le système narratif théâtral mis en place - à la fois réaliste, onirique et documentaire - des personnages énigmatiques se succèdent : une fille dont le père, au chômage, a disparu pendant quatre ans, une chanteuse de cabaret recherchant sa fille, un journaliste français enquêtant sur le phénomène des évaporés, une SDF philosophe, un commissaire méticuleux...
Tout au cours de son reportage, le journaliste sera amené à découvrir la puissance de l’exclusion sociale et le caractère d’intouchabilité de ces évaporés. Dans une progression narrative intéressante l’on suit le parcours psychologique douloureux des deux femmes japonaises, traversé par des attentes, des apparitions fantomatiques ou des conversations rêvées avec leurs proches. Le spectacle est d’autant plus prenant qu’il est interprété par des comédiens japonais (avec surtitrage français) dans une atmosphère souvent picturale, dont les décors et lumières nous rappellent à chaque instant la permanence de l’esthétique japonaise au sein de la vie quotidienne. Au final un spectacle, à la beauté toute sépulcrale, particulièrement tonique et subtil pour son questionnement original de la société japonaise !
durée : 2 h
* David Le Breton, Disparaître de soi (éditions Métaillié, 2015)
Les Evaporés
Texte et mise en scène : Delphine Hecquet
Traduction : Akihito Hirano
Avec Hiromi Asai, Yumi Fujitani, Akihiro Nishida, Marc Plas, Kyoko Takenaka, Gen Shimaoka, Kana Yokomitsu
Théâtre de la Tempête (salle Copi)
Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre
Paris 12e
horaires : du mardi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 16 h 30
jusqu' au 23 juin 2019
durée : 2 h
* David Le Breton, Disparaître de soi (éditions Métaillié, 2015)
Les Evaporés
Texte et mise en scène : Delphine Hecquet
Traduction : Akihito Hirano
Avec Hiromi Asai, Yumi Fujitani, Akihiro Nishida, Marc Plas, Kyoko Takenaka, Gen Shimaoka, Kana Yokomitsu
Théâtre de la Tempête (salle Copi)
Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre
Paris 12e
horaires : du mardi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 16 h 30
jusqu' au 23 juin 2019
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