Librement inspirée de la vie et de l’œuvre de la journaliste et écrivaine Milena Jesenskà (1896-1944), La chambre de Milena invite à la découverte d’un destin exceptionnel, tragique et émouvant. Subtilement mise en scène par Filip Forgeau (auteur du texte), Soizic Gourvil interprète avec talent ce personnage émotif, intellectuel et fantasque.
Témoin engagé de son temps et femme de lettres féconde (chroniques, reportages, essais), Milena Jesenskà participa à bon nombre des combats sociaux et universels du XXe siècle, de son engagement féministe à sa lutte contre le nazisme. Elle fut résistante et sauva de nombreux Juifs. Egérie et traductrice de Franz Kafka (1883-1924), celui-ci lui consacra ses poétiques « Lettres à Milena ». Sa vie fut parsemée de drames : deuil familial, rupture conjugale, addiction à la morphine et scandales publics. (Elle fut internée dans un asile pendant six mois à la demande de son père.) Finalement, elle meurt en 1944 dans un camp de concentration, à Ravensbrück. Dans La chambre de Milena, Filip Forgeau exprime toute la solitude et le désarroi de Milena Jesenskà mais aussi sa luminosité et sa détermination à améliorer le monde. Egalement, le spectacle met en exergue le côté éphémère et universel de cette existence d’insoumise, portée par la passion de l’écrit et l’idéal humaniste. Premier volet d’un projet intitulé « Les chambres », La chambre de Milena a pour origine diverses sources : journaux, biographies, correspondances… Et toute l’originalité de ce projet théâtral est d’avoir inscrit sur un mode varié et poétique la vie de Milena Jesenskà dans une globalité libre, de son enfance à sa disparition, à travers l’imagerie forte et symbolique de la chambre, métaphore de la vie, frontière indéterminée entre le dedans et le dehors.
La Chambre de Milena - Théâtre de L’Atalante
Dans une performance convaincante, Filip Forgeau interprète Milena Jesenskà, femme pragmatique et sentimentale, à la fois cérébrale et passionnée. Sur la petite scène du Théâtre de L’Atalante, elle évolue dans un décor sobre (une chaise, un lit, un miroir, des tabourets) et dans la pénombre expressionniste de ce lieu emblématique : la chambre. Crissements de tram, rires d’enfants, discussions de rue, bombardements… Echos et bruitages accompagnent ses silences et interrogations, plongeant le spectateur dans la vie quotidienne du personnage et dans l’Histoire en train de se faire à travers l’évocation de cette Prague des années noires et maléfiques. Dans ce grand tourbillon de mots s’entrelacent confidences amoureuses, élans humanistes, rêveries littéraires et vœux pour la liberté. Assurément, Milena aime partager sa vision de la vie. Franz Kafka est le récepteur de ces messages à travers la voix (en off) chaude et bienveillante de Daniel Mesguich. Sous une forme simple et allégorique, La chambre de Milena se déploie comme une sorte de vaste prière laïque, invitant à la fois au voyage littéraire et à une réflexion sur le libre arbitre. En tout cas, la forme libre et aérienne de la narration ainsi que le jeu souple et naturel de Soizic Gourvil donnent à ce spectacle, qui échappe aux recettes misérabilistes du pathos théâtral, toute sa saveur et son authenticité !
durée : 1 h 15
La Chambre de Milena, inspiré de la vie et de l’œuvre de Milena Jesenskà
Texte et mise en scène : Filip Forgeau
Avec Soizic Gourvil et la voix de Daniel Mesguich
Théâtre de L’Atalante
10, place Charles Dullin
Paris 18e
horaires : lundi, mercredi, vendredi (20 h 30) ; jeudi et samedi (19 h) ; dimanche (17 h)
jusqu’au 22 février 2016
Milena Jesenskà
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire