lundi 10 novembre 2014

Mary Queen of Scots



Film de Thomas Imbach [Well Done (1994), Day is done (2011)], inspiré du Mary Stuart de Stephan Zweig, Mary Queen of Scots esquisse le portrait psychologique d’une reine, plongée dans la tourmente amoureuse, politique et sociale de l’Ecosse du XVIe siècle. Reine de France à 9 mois et décapitée à 44 ans, Mary Stuart (1542-1587) se profile d’emblée comme le personnage historique par nature
« tragique ».
A la fois forte, passionnelle et fragile, son mythe a inspiré les arts et en particulier la littérature du XIXe siècle. Mais c’est du côté de Zweig - écrivain/biographe particulièrement réceptif au cheminement intérieur -, que le réalisateur suisse s’est inspiré, pétrissant sa pâte cinématographique sous une forme à la fois sobre, épique et méditative. Dans la meilleure tradition du film d’époque, un peu comme le Barry Lyndon (1975) de Kubrick, Mary Queen of Scots séduit à la fois par le subtil portrait psychologique et sa vibrante fresque historique très picturale.

Mary Queen of Scots

Mary Queen of Scots

En effet, ce long métrage peut se concevoir comme une succession de tableaux. Une délicate touche expressionniste imprègne le film d’Imbach, qui explore de façon stylisée l’univers brumeux propre aux châteaux écossais ainsi que la singularité de visages de nobliaux aux éclats caravagesques. (Outre l’Ecosse, certaines scènes ont été réalisées en Suisse et au château d’Anet (Eure-et-Loire). Camille Rutherford est parfaite dans un emploi de reine égarée évoluant dans un nœud de vipères sur fond de confrontations dynastiques, de soulèvements nationalistes et de conflits religieux. Les longs plans-séquences d’Imbach captent ce visage androgyne et lumineux qui évoque un peu les créatures flottantes des préraphaélites anglais. Dépassant le cadre toujours un peu étroit de la reconstitution historique et propulsé par une rythmologie à la fois fluide et étrange Mary Queen of Scots offre une réflexion pertinente sur la solitude du pouvoir et le désarroi amoureux. Pour exprimer au mieux le dilemme humain de la reine Mary Stuart, le metteur en scène privilégie l’échange symbolique qui la lie à sa cousine Elizabeth I.

Mary Queen of Scots

Mary Queen of Scots

 Elle ne connaît cette dernière que par le biais de lettres et de portraits de cour - la reine anglaise apparaît également sous la forme grinçante d’une marionnette qui nous suggère son caractère froid et calculateur. Mises constamment en concurrence dès la naissance - Stuart contre Tudor/reine d’Ecosse catholique contre souveraine d’Angleterre protestante -, la rivalité entre Elizabeth I et Mary Stuart apparaît d’une certaine façon comme la métaphore du propre conflit de cette dernière envers elle-même. Mais le film d’Imbach peut être perçu également comme une simple histoire de femme happée par un impitoyable univers politique sur fond d’intrigues amoureuses. D’un drame humain et historique qui peut paraître à notre époque un peu lointain, Imbach tire une œuvre accomplie et moderne imprégnée de dimension spirituelle.

durée : 2 h

Mary Queen of Scots, un film de Thomas Imbach d’après Mary Stuart de Stephan Zweig, Suisse/France, 2013

Avec Camille Rutherford (Mary Queen of Scots), Mehdi Dehbi (Rizzio), Aneurin Barnard (Darnley), Edward Hogg (Moray)


Mary Queen of Scots

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