lundi 10 février 2014

Knock ou le triomphe de la médecine



Pièce de Jules Romains (1885-1972), Knock ou le triomphe de la médecine (1923) - popularisée par Louis Jouvet - se profile comme une comédie cynique autour de l’universel personnage moliéresque du « médecin charlatan ». Par une séduisante mise en scène, Olivier Mellor inscrit son Knock dans une subtile critique d’un monde politico-médiatique, irrémédiablement humoristique.
Evoluant dans un climat champêtre et provincial, Knock ou le triomphe de la médecine relate l’histoire d’un médecin (Knock) fraîchement établi dans une bourgade perdue (Saint-Maurice) où presque tout le monde vit en bonne santé. Remplaçant le docteur Parpalaid, Knock se constitue rapidement une clientèle, finissant par rameuter tous les habitants à son cabinet selon le principe que « tout homme bien portant est un malade qui s’ignore ».


© Karine Thénard - Knock ou le triomphe de la médecine

 Malicieusement,  Mellor met au goût du jour ce docteur atypique - manipulateur, flegmatique et illuminé - dans une mise en scène à la fois agréablement rétro (l’arrivée burlesque de Mme Parpalaid et des deux docteurs à bord d’une pétaradante Torpédo rouge) et légèrement carnavalesque (vidéos clownesques, fanfare, masque de singe). Interprétés de façon jubilatoire (mais non grimaçante) par des comédiens au jeu spontané, les personnages savoureux de cette grande fresque provinciale défilent sous nos yeux : le tambour de ville, le pharmacien, l’instituteur, Mme Parpalaid … Autant de figures stratégiques que le nouveau et rusé docteur tente de mettre sous sa poche, éclipsant jusqu’au souvenir de M.Parpalaid, jugé inefficace et un peu ringard. Sous des dehors de comédie nonchalante, Knock esquisse toute l’ambiguïté d’une population de boutiquiers oisifs et de paysans plutôt friqués sous le joug médical d’un imprévisible escroc/gourou.

© Karine Thénard - Knock ou le triomphe de la médecine

 Arnaqueur (Knock) et arnaqués (les habitants) y vivent paisiblement. Et toute la singularité de la pièce de l’auteur du roman fleuve Les Hommes de bonne volonté réside dans ce constant challenge de Knock d’annihiler tout esprit critique - d’abord chez les notables - au sein de cette communauté,  et cela sans violence apparente, sans séduction superfétatoire, sans même recourir à un mode verbal original. Comme les professionnels du marketing ou de la politique, en grand manitou précurseur de la com’, Knock invente le besoin, fignole la tension, instaure entre lui et les autres une séduction décontractée, simultanément familiale et menaçante. Sous des dehors de comédie provinciale gentillette, Knock lorgne vers les mystères de la quotidienneté inquiétante et de la crédulité humaine sur fond (comique) de manipulation mentale. S’emparant de Knock ou le triomphe de la médecine sur le ton drôle de la farce et l’agrémentant de chansons folkloriques, Mellor propose là une satire cousue béton sur les guérisseurs de tout poil : ceux des corps, des esprits, des masses…

© Karine Thénard - Knock ou le triomphe de la médecine


durée : 2 h 30 (avec entracte)

Knock ou le triomphe de la médecine, de Jules Romains 
Mise en scène : Olivier Mellor

Avec Stephen Szekely (Knock), Rémi Pous (Docteur Parpalaid), Jean-Christophe Binet (Bernard / un gars), Vincent Tepernowski (Jean / Mousquet / un gars), Dominique Herbet (le Tambour de Ville / Scipion), Valérie Jallais (Madame Parpalaid / la Dame en Violet / la Bonne), Marie-Laure Boggio (la Dame en Noir / Madame Rémy)

Théâtre de l’Epée de Bois
Cartoucherie - Route du Champ de Manœuvre
Paris 12e
du mardi au samedi à 20 h 30, le dimanche à 18 h

du 4 au 23 février 2014
















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