Sans doute, la musique du Roi Pourpre peut déstabiliser : climat harmonique très sombre, virtuosité déconcertante, perfectionnisme pas vraiment grand public. L’excellent ouvrage d’Aymeric Leroy, auteur de Rock progressif et Pink Floyd, plongée dans l’œuvre d’un groupe paradoxal, nous fait découvrir à travers 13 albums studio/étapes toute la saveur du King Crimson…
In The Court Of The Crimson King (1969)
Larks' Tongues In Aspic (1973)
« Quoi de
commun entre le premier album du groupe, In The Court Of The Crimson King (1969), et son
dernier, The Power To Believe (2003) ? Pas grand-chose assurément »,
avertit d’emblée Aymeric Leroy. Au-delà de ses changements de styles et de
musiciens, King Crimson intrigue par son approche musicale, que l’on pourrait
classer en simplifiant entre rock, classique et jazz fusion. Tout le mérite du
livre de Leroy est de faire ressortir l’aspect foncièrement contradictoire de
Crimson, grand amateur de textes métaphysiques parfois redondants,
reconnaissable par ses dissonances sonores, géniales ou assommantes (!) et sa prédilection pour
l’expression instrumentale. L’auteur de ce King Crimson explore donc, de façon
exhaustive, les spasmes créatifs de ce groupe référentiel, plongeant dans les moindres
recoins du grenier crimsonien, si riche en genres : chansons au format
court, instrumentaux, pièces expérimentales, semi-improvisations, mélodies pop
ou free jazz…
King Crimson émerge à la fin des sixties - son premier disque est souvent considéré
par les spécialistes comme le premier disque de rock progressif ! En
effet, l’époque est friande de pop symphonique, de rock électrique et d’expérimentations
jazz. (Et il est intéressant de signaler que bon nombre de musiciens ayant intégré
King Crimson - Ian Mc Donald, Greg Lake, Mel Collins, Adrian Belew, Tony Levin,
John Wetton, Bill Bruford, Boz Burrel… -
rejoindront d’autres formations de premier plan comme Yes, ELP, Bad
Company, Steely Dan, Frank Zappa, David Bowie, Peter Gabriel Band, Asia, UK ou
Talking Heads.) Le climat musical saturnien de King Crimson, éloigné de
l’humanisme naïf d’un Yes, des charmantes circonvolutions symphoniques d’un
Genesis ou des lunatiques expérimentations pop d’un ELP s’aligne plutôt du côté d’un Magma ou d’un Van Der
Graaf Generator. Le bassiste Tony Levin et le guitariste
Adrian Belew contribueront à apporter un nouveau souffle au groupe. Les riffs primitivistes de
Belew aux résonnances pop ainsi que de percutantes sonorités électroniques
viennent se mêler astucieusement au jeu introspectif de Fripp. Egalement, Leroy
se penche sur la riche carrière solo de Fripp.
Adrian Belew
Robert Fripp
Tony Levin
Ouvrage très documenté, ce King
Crimson donne envie de redécouvrir cette formation aux sonorités étranges, qui, bien au-delà du courant
prog rock dont elle est issue,
constitue depuis près d’un demi-siècle une influence majeure chez bon
nombre de musiciens.
Aymeric Leroy, King Crimson, éditions
Le mot et le reste, 241 pages, 2012
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