lundi 20 février 2012

Charlotte Isabel Hansen

C’est par cette phrase a priori banale mais décisive que débute Charlotte Isabel Hansen, un bon gros roman de près de 400 pages du populaire romancier norvégien Tore Renberg : Quand il franchit la double porte verte de son immeuble, ce samedi 6 septembre 1997, Jarle Klepp ignorait ce que ce jour représentait pour le monde.
Happés par une narration aussi attrayante que riche en rebondissements, nous pénétrons d’emblée dans l’insolite histoire de Jarle Klepp,  héros comique involontaire. Le personnage principal est un buveur invétéré, noceur et cérébral - ne jurant que par Proust, Adorno et Derrida (!) –, installé pour ses longues études dans la nonchalante Bergen,  fief intello de tous les jeunes gens cultivés de Norvège. Malicieusement, dès le premier chapitre, l’auteur prend un malin plaisir à mettre son héros de 24 ans, le jour même de l’enterrement de la princesse Diana,  face à une situation inédite : la rencontre  de Jarle avec Charlotte Isabel Hansen, sa fille de 7 ans. Ignorant tout du monde de l’enfance, ne se souvenant même plus du visage de la mère de sa fille (âgé de 16 ans, il était complètement bourré lors du rapport sexuel !), notre personnage va subir - au cours d’une semaine plutôt mouvementée – un intensif  et ininterrompu speed dating sous l’œil scrutateur de Charlotte Isabel Hansen
Tore Renberg

L'auteur de L'homme qui aimait Yngve  nous conte donc par le menu ce baby-sitting forcé aux contours loufoques, nous entraînant dans une histoire à la fois puissamment drôle et enrobée d’une tendresse sans mièvrerie. Le romancier nordique a ce style qui fait mouche par sa simplicité jubilatoire et ses sous-entendus humoristiques. Ses nombreux personnages forment  l’amusante galerie d’une Norvège provinciale un peu surannée :   Anette Hansen, mère paumée ; Robert Goteborg, universitaire alcoolique et cérébral ; Hasse, étudiant borderline fantasque, reconverti en oncle ; Herman, malicieux commerçant vénézuélien ; Sara Klepp, mère digne ; Hardis Snartemo, étudiante féministe… Tout le sel  de ce Charlotte Isabel Hansen repose sur la confrontation, parfois détonante, de ces personnages avec ce Jarle, un brin naïf, plongé dans un bouillonnement   d’idées et de sentiments, ravivé de plus belle depuis son expérience de nouveau père. Charlotte Isabel Hansen peut-être perçu comme un roman  sur  la paternité, ou plutôt sur la peur qu’elle peut susciter. Roman à la fois ironique et primesautier, Charlotte Isabel Hansen est surtout un livre plein d’humour qui se moque sans méchanceté de jeunes gens très sérieux issus des milieux universitaires. Avec son style naturellement virevoltant et pas littéraire pour un sou, Tore Renberg nous offre là un roman classieux qui constitue une des surprises littéraires du  domaine nordique.

Tore Renberg, Charlotte Isabel Hansen, roman traduit du norvégien par Carine Bruy, éditions Mercure de France, collection « Bibliothèque étrangère », 369 pages, 2011.

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