
La sœur de Marjorie disparut un vendredi, début mai. La première phrase de
Syster débute comme un polar… Une façon peut-être de dérouter le lecteur pour l’écrivain suédois
Bengt Ohlsson, qui signe là son neuvième roman.
Mais l’auteur de
Gregorius, son plus gros succès littéraire, lorgne vers des rivages nettement plus personnels et évasifs, ceux de l’enfance et ses inextricables mirages. En une progression toute reptilienne, à travers le personnage phare de
Marjorie, Ohlsson nous fait pénétrer à la fois dans un désarroi aussi énigmatique qu’un bonheur naissant : ceux qui naissent dans le cœur et l’âme de
Marjorie, à la suite de l’étrange disparition de
Miriam, sa sœur cadette, véritable fil conducteur de ce roman puissant, à la fois drôle et oppressant. Dès le deuxième chapitre, nous retrouvons
Marjorie chez sa tante
Ilse. A partir de là, tout au long d’environ 300 pages d’une écriture aussi simple qu’intuitive, l’univers psychologique de l’enfant se dessine, dans un labyrinthe touffu de souvenirs, de fantaisie spontanée et de mythologie personnelle.

Ecrivain de l’intime, du non-dit, Ohlsson est le porteur de verbes d’une vie passante, enlacée entre bonheur béat et sournoise mélancolie. Donc, il ne se passe pas grand-chose dans Syster, ou plutôt tout se dilate dans l’esprit de Marjorie. Les lecteurs peuvent être rebutés par le système narratif d’Ohlsson, mélodique et rustiquement simple, amoureusement rivé vers les détails les plus insignifiants d’un quotidien - à la fois désiré et craint -, celui d’une enfant sans doute égocentrique. La trame mélodique de Syster s’appuie sur des personnages simples : le père, la mère, la tante Ilse, Elvira. Elle s’accroche à des représentations symboliques, comme un chat aux circonvolutions gracieuses, une mystérieuse source aux pouvoirs magiques… Quant à la nature, elle sert de décor permanent à Syster, l’enjolivant d’un parfum panthéiste : sable, prairie, arbres, colline, fleurs, mer. Syster est un roman intemporel, donc très nordique, en décalage avec les codes habituels de littérature contemporaine. C’est un livre prenant qui interroge sur la permanence et sur l’ambiguïté des êtres. Par son joli style détaché, l’on pourrait idéalement le situer entre Le Tumulte des flots (1954) de Yukio Mishima et Le Lis de mer (1956) d’André Pieyre de Mandiargues.
Syster est un bien beau roman, à la musicalité parfaite, qui égrène en arpèges les mystères de l’enfance.
Bengt Ohlsson, Syster, roman traduit du suédois par Anne Karila, éditions Phébus, 288 pages, 2011
A lire :
Kari Hotakainen, La part de l'homme, roman, éditions JC Lattès, 2011
Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail
https://www.lemague.net/dyn/spip.php?article7598
Kim Young-ha, Qu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur ? Nouvelles traduites du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel, éditions Philippe Picquier, 160 pages,2011
http://blogdephaco.blogspot.com/2012/02/quest-devenu-lhomme-coince-dans.html#more
Erling Jepsen, L’Art de pleurer en chœur, roman, Sabine Wespieser éditeur, 312 pages, 2010
Traduit du danois par Caroline Berg
Margriet de Moor,
Une catastrophe naturelle, roman, éditions Libella - Maren Sell, 336 pages, 2010
Traduit du néerlandais par
Danielle Losman
Kjell Eriksson,
La princesse du Burundi, roman, éditions Gaïa, collection « Gaïa polar », 352 pages 2009
Traduit du suédois par Philippe Bouquet
Guadalupe Nettel,
Pétales et autres histoires embarrassantes, nouvelles, éditions Actes Sud, 144 pages, 2009
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Delphine Valentin
Arnaldur Indridason,
Hiver arctique, roman, éditions Métailié, collection « Bibliothèque nordique Noir, 335 pages, 2009
Traduit de l’islandais par Eric Boury
Leena Lehtolainen,
Un coeur de cuivre, roman, éditions Gaïa, 231 pages, 2009
Traduit du finnois par
Anne Colin du Terrail
Riikka Ala-Harja, Le Géant, roman, éditions Gaïa, collection « Catalogue général », 304 pages, 2009.
Traduit du finnois par Christian et Paula Nabais
Wilhelm Genazino,
Léger mal du pays, roman, Christian Bourgeois Editeur, 207 pages, 2008
Traduit de l’allemand par
Anne Weberhttps://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5735
Camilla Läckberg,
La Princesse des glaces, roman, éditions Actes Sud, série « actes noirs », 382 pages, 2008
Hella S. Haasse, Des nouvelles de la maison bleue, roman, éditions Actes Sud, collection « Babel », 183 pages, 2008
Traduit du néerlandais par Annie Kroon
https://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5730
Einar Mar Gudmundsson,
Le testament des gouttes de pluie, roman, éditions Gaïa, collection « Catalogue général », 249 pages, 2008
Traduit de l’islandais par Eric Boury
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