lundi 27 février 2012

Syster



La sœur de Marjorie disparut un vendredi, début mai. La première phrase de Syster débute comme un polar… Une façon peut-être de dérouter le lecteur pour l’écrivain suédois Bengt Ohlsson, qui signe là son neuvième roman.
Mais l’auteur de Gregorius, son plus gros succès littéraire, lorgne vers des rivages nettement plus personnels et évasifs, ceux de l’enfance et  ses inextricables mirages. En une progression toute reptilienne, à travers le personnage phare de Marjorie,  Ohlsson nous fait pénétrer à la fois dans un désarroi aussi énigmatique qu’un  bonheur naissant : ceux qui naissent dans le cœur et l’âme de Marjorie, à la suite de l’étrange disparition de Miriam, sa sœur cadette, véritable fil conducteur de ce roman puissant, à la fois drôle et  oppressant. Dès le deuxième chapitre, nous retrouvons Marjorie chez sa tante Ilse. A partir de là, tout  au long d’environ 300 pages d’une écriture aussi simple qu’intuitive, l’univers psychologique de l’enfant  se dessine, dans un labyrinthe touffu de  souvenirs, de  fantaisie spontanée et de mythologie personnelle.

Bengt Ohlsson

 Ecrivain de l’intime, du non-dit,  Ohlsson est  le porteur de verbes d’une vie passante, enlacée entre bonheur béat et sournoise mélancolie. Donc, il ne se passe pas grand-chose dans Syster, ou plutôt tout se dilate dans l’esprit  de Marjorie. Les lecteurs peuvent  être  rebutés par le système narratif  d’Ohlsson,  mélodique et rustiquement simple, amoureusement rivé vers les détails les plus insignifiants d’un quotidien - à la fois désiré et craint -, celui   d’une enfant sans doute égocentrique. La trame mélodique de Syster s’appuie sur des personnages simples : le père, la mère, la tante Ilse, Elvira. Elle s’accroche à des représentations symboliques, comme un chat aux circonvolutions gracieuses, une mystérieuse source aux pouvoirs magiques… Quant à  la nature, elle sert de décor permanent à  Syster, l’enjolivant d’un parfum panthéiste : sable, prairie, arbres, colline, fleurs, mer.  Syster est un roman intemporel, donc  très nordique, en décalage  avec les codes habituels de littérature contemporaine. C’est un livre prenant qui interroge sur la permanence et sur l’ambiguïté des êtres. Par son joli style détaché,  l’on pourrait idéalement le situer entre Le Tumulte des flots (1954) de Yukio Mishima et Le Lis de mer (1956) d’André Pieyre de Mandiargues.

Syster est un bien beau  roman, à la musicalité parfaite, qui égrène en arpèges les mystères de l’enfance.

Bengt Ohlsson, Syster, roman traduit du suédois par Anne Karila, éditions Phébus, 288 pages, 2011


A lire :

Kari Hotakainen, La part de l'homme, roman, éditions JC Lattès, 2011

Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

https://www.lemague.net/dyn/spip.php?article7598

Kim Young-haQu’est devenu l’homme coincé dans l’ascenseur ? Nouvelles traduites du coréen par Lim Yeong-hee et Françoise Nagel, éditions Philippe Picquier, 160 pages,2011

http://blogdephaco.blogspot.com/2012/02/quest-devenu-lhomme-coince-dans.html#more

Erling JepsenL’Art de pleurer en chœur,  roman, Sabine Wespieser éditeur, 312 pages, 2010
Traduit du danois par Caroline Berg

Margriet de MoorUne catastrophe naturelle, roman, éditions Libella - Maren Sell, 336 pages, 2010 
Traduit du néerlandais par Danielle Losman

Kjell ErikssonLa princesse du Burundi, roman,  éditions Gaïa,  collection « Gaïa polar », 352 pages 2009
Traduit du suédois par Philippe Bouquet

Guadalupe NettelPétales et autres histoires embarrassantes, nouvelles,  éditions Actes Sud, 144 pages, 2009
Traduit de l’espagnol (Mexique) par Delphine Valentin

Arnaldur IndridasonHiver arctique, roman, éditions Métailié, collection  « Bibliothèque nordique Noir,  335 pages, 2009
Traduit de l’islandais par Eric Boury

Leena Lehtolainen,  Un coeur de cuivre, roman, éditions Gaïa, 231 pages, 2009
Traduit du finnois par Anne Colin du Terrail

Riikka Ala-Harja, Le Géant, roman, éditions Gaïa, collection « Catalogue général », 304 pages, 2009. 
Traduit du finnois par Christian et Paula Nabais 

Wilhelm Genazino Léger mal du pays, roman,  Christian Bourgeois Editeur, 207 pages, 2008
Traduit de l’allemand par Anne Weber
https://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5735

Camilla LäckbergLa Princesse des glaces, roman, éditions Actes Sud,  série « actes noirs », 382 pages, 2008

Hella S. HaasseDes nouvelles de la maison bleue, roman, éditions Actes Sud, collection « Babel », 183 pages, 2008
Traduit du néerlandais par Annie Kroon

https://www.lemague.net/dyn/spip.php?article5730

Einar Mar GudmundssonLe testament des gouttes de pluie,  roman, éditions Gaïa, collection « Catalogue général », 249 pages, 2008
Traduit de l’islandais par Eric Boury


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