lundi 9 avril 2012

Histoire de la sexualité à l’époque moderne


Dans son Histoire de la sexualité à l’époque moderne, Scarlett Beauvalet  offre un tableau inédit de la sexualité et de l’intime.  Une question de société toujours résolument actuelle…


Blog de Phaco : Le péché de luxure apparaît dans votre ouvrage comme le gros épouvantail de l’époque moderne. Comment expliquez-vous sa longévité ?

Scarlett Beauvalet : La peur des femmes, et notamment de leur prétendue nature à la sensualité exacerbée, est un poncif agité par le clergé et les médecins tout au long de l’époque moderne. Cette vision a contribué à leur conférer un statut inférieur, à justifier leur soumission, du moins théorique, et leur place dans la société : pour les juristes, la femme mariée est juridiquement incapable en raison de sa nature, elle est « en puissance de mari ».

Il semble qu’en matière de sexualité, les classes aisées de cette époque moderne s’affranchissent pas mal des règles édictées par les pères de l’Eglise…

Scarlett Beauvalet  : Il faut bien distinguer entre les normes établies par le clergé, les juristes ou les médecins et les pratiques. Aussi bien les écrits du for privé que les témoignages ou les sources judiciaires montrent l’existence d’un décalage entre le discours et la réalité. Bien que d’une manière générale les interdits aient été respectés, il est certain que des individus ou des couples ont largement dérogé aux règles, quelle que soit leur origine sociale. Nous avons néanmoins plus de sources pour les classes aisées que pour les personnes d’origine plus modeste.

Votre Histoire de la sexualité nous ramène au lien indissociable entre sexualité et reproduction. Au niveau des mentalités, quelle période de l’époque moderne vous semble la plus rigide en matière sexuelle ?

Scarlett Beauvalet : Du XVIe au XVIIIe siècle, l’accent est mis sur la reproduction comme finalité exclusive de la sexualité. Cette nécessité, posée avec force dès le XVIe siècle, est réactivée au XVIIIe siècle parce qu’on est persuadé, d’ailleurs faussement, que la population baisse. Il y a donc tout un mouvement populationniste qui explique la virulence du discours contre la contraception et le maintien du lien entre sexualité et reproduction, et  qui vient renforcer  les aspects moraux et religieux.

Avec ses brochures licencieuses et ses écrivains libertins, le XVIIIe siècle apparaît souvent comme une époque de grande liberté sexuelle. Mais cette liberté a t’elle pénétré profondément toutes les couches de la société ?

Scarlett Beauvalet : Si l’on trouve des brochures et représentations licencieuses comme des écrits galants ou érotiques bien avant le XVIIIe siècle, il est vrai que l’on caractérise souvent cette période comme l’âge d’or du libertinage. Les pratiques de lecture concernent des cercles encore relativement étroits de la société, mais malgré tout les progrès de l’impression permettent une diffusion plus large de ces écrits. On peut y voir une sorte de miroir de  l’intensité des interdits.

Histoire de la sexualité à l’époque moderne, Scarlett Beauvalet, éditions Armand Colin,  320 pages, 2010.

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