Après We Blew It (2017) et Michael Cimino un mirage américain (2021), Jean-Baptiste Thoret nous propose avec The Neon People (2024), un intéressant documentaire sur l'extrême pauvreté aux Etats-Unis. Le film s’ouvre sur l’image marquante d’un homme fouillant dans ses maigres possessions, dans le noir, avant de s’éloigner vers la lumière en poussant un fauteuil roulant pour émerger au grand jour.La ville de Las Vegas compte 800 kilomètres de tunnels d’évacuation des eaux, occupés par deux mille personnes environ.
The Neon People
Dans cet environnement insalubre et dangereux le réalisateur français a posé sa caméra. Il a rencontré les gens qui y habitent par nécessité et a été introduit dans cette communauté morcelée par deux personnages centraux du film : Captain, un marginal ayant connu la prison et Brandi, une cinquantenaire, originaire de l'Utah et du monde du cirque, tous deux racontant par bribes leur parcours de vie cabossée. Sans voyeurisme The Neon People nous fait découvrir les occupants de ces tunnels où la lumière naturelle n'existe pas et où les SDF confient en termes voilés leur crainte que la police ne vienne fouiner chez eux ou pire, celle que les agents de la ville les évacuent en prévention d'inondations.
Sans être sentencieux avec The Neon People Jean-Baptiste Thoret nous dresse un portrait social décapant de l'envers des cités américaines les plus riches. Ville mythique et sulfureuse du Nevada, Las Vegas, capitale mondiale du jeu, incarne avec ses hôtels, ses restaurants et ses gigantesques salles de jeu une version luxueuse et populaire du rêve américain. Filmé en cinémascope et propulsé par une une esthétique urbaine, The Neon People nous suggère sous la forme d'un intéressant clair-obscur le décalage existant entre la ville pailletée, insolemment lumineuse et les recoins honteux en périphérie dans lesquels se terre comme des rats l'entourage de Captain et de Brandi.
Une scène en particulier, celle ou l'on voit certains des SDF prendre le bus pour dépenser leur argent dans les machines à sous de Las Vegas nous suggère sur le plan symbolique l'impossibilité de l'individu de rompre totalement avec le monde qui l'environne. Avec The Neon People le réalisateur pose un regard à la fois humain et cru sur les conditions de vie de milliers d'Américains mais aussi questionne, d'une certaine façon, le statut peu enviable de tous ceux qui même exerçant un travail en sont réduits, faute de logement, à dormir dans une voiture ou dans des parkings, reflet d'une Amérique pauvre et honteuse en parfait décalage avec le discours sirupeux et manipulateur trumpien.
Dans leur habitat de fortune, ces « invisibles » se confient. L'on identifie rapidement le tronc commun à tous ces gens : un accident de parcours, puis la rue, la drogue, l'alcool et enfin le tunnel. Beaucoup semblent résignés par leurs conditions de vie même s'ils assurent que cette dernière dans le tunnel n'est que provisoire alors que certains y vivent depuis plus de 10 ans ! Avec The Neon People Jean-Baptiste Thoret a capté sans misérabilisme outrancier le destin de personnes qui sont passées à côté du « rêve américain » et dont le seul objectif est de survivre dignement à leur situation. « Je te promets que je ne mourrai pas dans une benne, ni dans le tunnel », jure à la fin du documentaire dans un demi-sourire Brandi à sa fille !
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