lundi 28 octobre 2024

L'Art Brut en question (s) Sous le regard de Dubuffet : du Facteur Cheval à AloIse


Dans L'Art Brut en question (s) Jean-Michel Wissmer   interroge la fragile identité du phénomène culturel de l'Art Brut. Entre sympathie et distanciation critique, il questionne  le parcours théorique de Jean Dubuffet (1901-1985) tout en s'intéressant à la dimension religieuse  de trois artistes représentatifs :  Aloïse Corbaz (1886-1964), Henry Darger (1892-1973) et le Facteur Cheval (1836-1924).  

  
L'intéressant essai  du Genevois Jean-Michel Wissmer  nous rappelle que l'art brut fut souvent le fruit de la création de marginaux (internés, prisonniers) ou simplement de solitaires lunatiques, qui à l’écart des circuits artistiques traditionnels sublimaient leur vie sous la forme de peinture, sculpture, photographie, écriture, collage, assemblage ou architecture… Leurs réalisations étaient souvent l'oeuvre de gens de la campagne, qui avaient l'habitude de récupérer et de bricoler dans leur coin sans songer un instant à s'inscrire dans des circuits normalisés comme ceux de l'art officiel et des galeries. Il y eut par exemple Emile Ratier, ce paysan du Lot devenu aveugle, qui fabriquait des maquettes en bois ou encore Paul Amar, coiffeur à la retraite, qui mit... 4.000 heures pour reconstituer des fonds marins. Dans L'Art Brut en question (s)  Jean-Michel Wissmer analyse en particulier l'oeuvre de trois figures iconiques de l'Art Brut, Aloïse Corbaz, Henry Darger et le Facteur Cheval  tout en proposant une réflexion  pénétrante sur des artistes célèbres   « en souffrance » de tout bord  (Goya, Munch,  Van Gogh, de Saint Phalle, Kusama...) dont la symbolique indélébile marquée par la  folie n'est pas sans affinités avec l'univers de l'Art  Brut. L'essayiste interroge aussi finement toute la complexité de cette appellation (ayant beaucoup évolué avec le temps)  théorisée par Jean Dubuffet, rappelant au passage comme dans cet extrait  les excès idéologiquess du célèbre peintre et théoricien de l'art :  « Dubuffet remonte  loin dans le temps, englobant tout l'art occidental. Il fustige "notre art classique" (Dub 215), il veut faire table rase des valeurs gréco-latines qui se seraient éloignées des racines sauvages, du "fond humain originel" de l'homme européen. Même l'art égyptien ne trouve pas grâce à ses yeux. Peiry [historienne d'art et spécialiste de l'Art brut] parle de "l'anéantissement - inconcevable - de l'histoire de l'art et des représentants de la tradition esthétique.  » (Pei 85) (page 27).

Jean-Michel Wissmer,   L'Art Brut en question (s) Sous le regard de Dubuffet : du Facteur Cheval à AloIse, Art, éditions Slatkine, collection A blanc, 146 pages, 2024


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire