L'exil des collabos - 1944 - 1989

Dans le livre L'exil des collabos - 1944 - 1989, l'historien Yves Pourcher retrace dans une recherche minutieuse   l'étonnant parcours de fuite d'une vingtaine de figures de la Collaboration.

Yves Pourcher est l’auteur d’ouvrages réputés dont Les Jours de Guerre, Pierre Laval vu par sa fille, Vichy théâtre d’ombres, et Brasse papillon, le roman d’un collabo.  Dans cette enquête inédite de près de 300 pages ce fin connaisseur de la période sombre de la Seconde Guerre mondiale exhume les archives, les témoignages, les correspondances qui dévoilent l'après-guerre des collabos, les chefs et les seconds couteaux, les célébrités et les anonymes.  Dans cette galerie sinistre l'on y trouvera pêle-mêle tous les profils : d'Abel Bonnard*, le ministre de l'Education nationale sous Pétain  au célèbre acteur Robert Le Vigan en passant par l'écrivain-philosophe Raymond Abellio ou Jean-Loustau-Chartez, journaliste à la chaîne de propagande Radio Paris.  Autant d'existences pathétiques, de fuites honteuses que l'auteur scrute à la loupe, replaçant subtilement le parcours de  chacun d'eux dans des chapitres courts et fournis  : « On doit d'abord les prendre en groupe et puis, pour chacun d'entre eux, dire ce qu'ils ont fait et ce qu'ils sont devenus » (page 12 de l'introduction). Parcours étonnant  comme celui  de Jacques Cartonnet (1911-1967?), champion de natation, reconverti sous l'Occupation en journaliste sportif, collaborant au périodique doriotiste La Liberté. Arrêté à Rome, l'ancien champion de natation réussira une évasion sensationnelle en sautant au décollage de l'avion militaire qui devait le rapatrier en France en 1946. On  retrouvera sa trace en Italie  où il passait son temps à peindre et à enseigner la natation avant d'être de nouveau arrêté en 1947 dans un couvent de capucins où il se cachait.  Libéré en  1950, l'on perd sa trace,  Quant à Monique Joyce (1912-1994),   chanteuse et actrice, on lui reprocha avant tout d'avoir accepté de travailler pour la Continental dirigée par Alfred Greven, un proche d'Herman Goering, devenu à Paris le grand manitou du cinéma français.  Après la libération de Paris, elle quittera précipitamment le territoire français pour se réfugier au château de Sigmaringen avec le gouvernement de Vichy en exil. Arrêtée en Allemagne, détenue, elle sera relâchée peu après.   De retour en France quelques années plus tard, oubliée de tous, elle mènera  une vie discrète en banlieue (Vaucresson),  loin des milieux artistiques.   A travers cette vingtaine de portraits  l'ouvrage L'exil des collabos - 1944 - 1989 nous montre que les profils de tous ces collaborateurs touchaient finalement tous les milieux : écrivains, scientifiques, sportifs, grands bourgeois, politiciens, artistes, voyous... Il nous enseigne aussi qu'à côté d'authentiques fascistes  coexistaient de purs opportunismes de situation. Assurément, ce nouveau livre - qui analyse des parcours d'hommes et de femmes peu connus pour la plupart -    renouvelle l'aperçu historique sur cette période sombre de l'Histoire.

  

* Signalons au passage l'excellent  ouvrage de  Benjamin Azoulay sur Abel Bonnard:

 Abel Bonnard - Plume de la Collaboration, grand format, éditions Perrin, 384 pages, 2023

Yves Pourcher, L'exil des collabos - 1944 - 1989, éditions du Cerf, 262 pages, 2023