Caravage

Dans son film Caravage Michele Placido  [Le Rêve italien (Il grande sogno), 7 minuti (2016)] honore la grande figure avant-gardiste  de Michelangeto Merisi da Caravaggio, dit Caravage ou le Caravage (1571-1610).  Il nous raconte un homme obsédé par le désir de reconstruire à travers sa peinture une vision religieuse complètement nouvelle et révolutionnaire.

Le film de Michele Placido s'attache à nous décrire la période la plus difficile de Caravage quand en 1606, après de nombreux démêlés avec la justice des Etats pontificaux, il blesse mortellement un adversaire au cours d'un duel et doit alors quitter Rome et passer le reste de sa vie en exil à Naples, à Malte et en Sicile. 

Caravage

C'est, après ces années fastes de succès foudroyant auprès des collectionneurs de haut rang, une vie plus problématique de paria en exil avec de nombreux flash back  que nous évoque cet ambitieux long métrage. L'on signalera  le grand raffinement esthétique du film  dans la restitution historique de cette Rome du début du XVIIe siècle dans laquelle coexistent la papauté, la noblesse et les misérables. 

Caravage

L'on y voit Caravage réaliser ses plus beaux tableaux  dans son atelier où défilent aussi bien ses modèles favoris (vagabonds, prostituées) que les plus hauts prélats et grands collectionneurs. C'est sans doute dans cette constante ambivalence, dans cette fréquentation de mondes parallèles et antagonistes, que réside une bonne part du mystère Caravage, que Michel Placido  suggère subtilement.

Caravage

A la fois bagarreur et concentré sur son art, rebelle et larbin,  Caravage nous est décrit un peu comme un mafieux surdoué, un éternel écorché, qui vivant dangereusement en exil doit constamment se trouver des mécènes.  Vivante et décalée, l'interprétation de Riccardo Scamarcio  se profile crédible dans ce personnage exalté et têtu, ce maître du clair et obscur,  affichant sans complexes sa vision picturale révolutionnaire, 

Caravage

L'on signalera  la qualité de jeu d'Isabelle Huppert en marquise protectrice des arts. Dans le rôle d'une sorte de détective missionné par le pape Paul V,  Louis Garrel réalise aussi une belle performance. Il interprète avec conviction un personnage sombre et ambigu,  à la fois vivant  dans la détestation du peintre et fasciné par la modernité avant-gardiste et impie de l'auteur de  La Mort de la Vierge. 

Caravage

Tous les éléments du film sont d'ailleurs tirés de faits réels. Ainsi, les carmes qui avaient commandé  le tableau La Mort de la Vierge  refusèrent son tableau, le jugeant indécent. (Caravage aurait pris  pour modèle une prostituée morte par noyade.)  Le fait pour Caravage de choisir comme modèles des prostituées et des vagabonds n'était bien sûr pas neutre. 

Caravage

Et tout le film de Michele Placido s'attache à faire réfléchir sur  la démarche même de ce peintre, qui au-delà de la provocation, voulait reproduire la réalité jusque dans la tonalité des chairs, qui fut à l'origine du rejet papal et des poursuites contre l'artiste. Il nous montre aussi  que l'église de son époque n'était pas encore prête pour accepter le réalisme impitoyable de ses oeuvres religieuses.

durée : 2 h

Caravage [titre original L'Ombra di Caravaggio], un film de Michele Placido, biopic, historique

Avec Riccardo Scamarcio, Louis Garrel, Isabelle Huppert