Dans Une femme heureuse Dominic Savage [Love + Hate (2005), Born Equal (2006)] tente subtilement de percer l'énigme d'un drame conjugal sur fond de grisaille britannique et d’escapades parisiennes.
Outre des fictions pour la télévision (Dive (2010), The Secrets (2014) Dominic Savage a réalisé de nombreux documentaires comme Seaside Organist (1991) ou Rogue Males (1998). Pour ce 3e long métrage, Savage, qui en a écrit le scénario, propose une histoire en apparence minimaliste sur un thème - l’usure du couple - par ailleurs maintes fois rebattu. Jeune mère et femme au foyer, Tara vit dans une banlieue de Londres dans une maison plutôt coquette avec jardin, en compagnie d’un mari (Mark) attentionné mais maladroit et de deux jeunes enfants qui accaparent toute son attention.
Une femme heureuse
Au-delà du drame relationnel au sein de ce couple de la middle-class, Une femme heureuse propose une réflexion pertinente sur un mode de vie sociologique typiquement britannique que le réalisateur semble bien connaître. Inlassablement, le réalisateur filme Tara et son mari Mark dans leur maison luxueuse (mais sans excès), s’attardant sur ses espaces intérieurs spacieux et high-tech. Obsédé par son travail, le mari veille avant tout au confort matériel assurant cette vie tranquille et réglée comme du papier à musique, se déroulant avec au centre les deux enfants du couple et en périphérie les barbecues le dimanche dans le jardin entre voisins et amis. Sans doute, la grande force de ce long métrage pudique et suggestif réside dans une très habile construction. Ouverte largement aux silences bergmaniens et aux gros plans de visages (ceux de Tara, de Mark et de leurs enfants), le cinéaste nous laisse deviner par de rares dialogues et la puissance évocatrice de l'image la montée irréversible du ressentiment de Tara pour son mari.
Une femme heureuse
Il laisse deviner sans mettre au pied du mur le spectateur que son personnage étouffe, du fait de cette vie calme et rangée, organisée de A à Z par un mari à la fois gentil et dominant. S’inscrivant toujours dans cette description minutieuse et intimiste du couple, l’histoire d'Une femme heureuse laisse aussi subtilement percer le désarroi progressif du mari mais aussi celui des deux enfants, véritables éponges ambulantes qui ressentent les émotions secrètes de leurs parents, d’autant plus déstabilisés qu'ils ne peuvent plus longtemps les cacher. Naturels et brillants, les deux acteurs se profilent très convaincants dans leur propre rôle : Dominic Cooper, en mari attentionné et obtus ; Gemma Arterton, en femme silencieusement révoltée. Quant au style du film, à la fois délicat et incisif, il sied particulièrement bien au jeu spontané des deux principaux personnages.
Une femme heureuse
Pour Une femme heureuse, Savage a privilégié l’improvisation et donc a donné carte blanche à Cooper et Arterton. Quant aux déambulations parisiennes de Gemma Arterton (Tara), elles rappellent un peu par leur cheminement poétique et aventureux celles de Lolita Chammah (Mavie) dans Drôles d'oiseaux (2016) d'Elise Girard. Le cinéaste utilise particulièrement bien les possibilités offertes par les décors naturels des ponts de Londres et de celui du Paris historique et littéraire. Une femme amoureuse nous suggère aussi - sans aucun mépris - le décalage culturel qui peut exister entre cette jeune femme passionnée d’art et un mari doté de qualités certaines mais à l'esprit plutôt terre à terre. Réaliste et enveloppé d’une certaine poésie urbaine, Une femme heureuse est un film marqué par une forte personnalité.
durée : 1 h 45
Une femme heureuse, un film britannique de Dominic Savage, 2017, VOSTFR
Avec Gemma Arterton (Tara), Dominic Cooper (Mark), Jalil Lespert (Philippe)
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