Cependant, son parcours initiatique sera tout, sauf un long fleuve tranquille ! Marco Luraschi, qui a participé dès l'âge de 18 ans à de nombreux spectacles équestres comme cascadeur, se révèle crédible dans le rôle d'Ethan. Il y joue un jeune passionné et meurtri dans son parcours dans une écurie d'obstacles. Sans verser dans un naturalisme implacable, le réalisateur laisse néanmoins percer la grisaille du milieu que fréquente Ethan à travers une description - quasi militaire - de l'école de jockeys, qui accueille le jeune et les autres apprentis.
Les personnages de ce milieu hippique peuvent paraître parfois stéréotypés mais le réalisateur a eu l'intelligence de les rendre plus complexes qu'ils ne paraissent. Ainsi, Marc Barbé interprète finement un personnage d'instructeur bougon et solitaire, qui au fil de l'histoire semble découvrir et encourager la vocation d'Ethan. Quand à Jeanne Balibar, sous les traits d'une patronne d'écurie, elle interprète avec finesse un personnage autoritaire et tendre, obligé au quotidien de remettre en question son métier. Dans Lads Julien Menanteau nous fait le portrait « en suspension » d'une jeunesse sans repère. (Ethan, le personnage principal est en effet issu de la petite délinquance et d'un milieu familial endetté.)
La dimension puissamment réaliste du long métrage s'exprime aussi à travers de grandes scènes de course avec public, tournées à Waregem en Belgique pendant le grand prix des Flandres. Egalement, Lads est marqué par une forte dimension intimiste et animale comme la scène de la naissance du poulain ou celle où Ethan cherche désespérément l'étalon dans l'abattoir. Certes moins dure que celle par exemple d'un Georges Franju dans son documentaire Le Sang des bêtes (1949), l'esthétique de ces images n'en est pas moins aussi crue et suggestive dans leur prégnante interrogation sur la vie et la mort.
Lads
Sans politiser explicitement son propos le cinéaste nous suggère néanmoins la décadence de l'univers hippique à travers la marchandisation rampante des sports de haut niveau et l'ultralibéralisme qui les entoure. L'on trouvera aussi dans Lads de nombreuses allusions sur la mal-traitance animale et le dopage des chevaux. Qu'ils soient jockeys ou lads « simples garçons d'écurie s'occupant d'un cheval » le film met habilement en exergue, par le texte et l'image, la précarité rampante de toutes ces petites mains. Quant aux personnages de l'instructeur et de la patronne d'écurie l'on peut deviner qu'ils sont sans illusions sur l'avenir de leur profession et sur l'environnement qui les entoure.
Au final Lads nous propose une réflexion crédible sur un univers méconnu dans un contexte social où les hippodromes attirent de moins en moins de public, où les paris sportifs en ligne supplantent le PMU et où les grandes écuries sont rachetées par des fonds américains ou saoudiens. Lads est sans doute plus qu'un film de fiction aux résonances documentaires. Au-delà du portrait d'un jeune apprenti jockey et d'un univers (le monde hippique) jusqu'ici peu étudié sur le plan sociologique et semblant sortir tout droit du XIXe siècle, Lads nous parle de la brutalité et de la morgue du monde mais aussi d'espoir et de résilience !
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