lundi 25 décembre 2017

The Florida Project



 Dans The Florida Project, Sean Baker - Tangerine (2015), Starlet (2012) - signe une chronique drôle et grinçante sur la jeunesse à travers l’évocation d’une bande de gamins désoeuvrés de la banlieue d’Orlando.


Dans un souci de réalisme social, le réalisateur américain a choisi comme cadre de son film un des innombrables motels bon marché qui écument les environs de Disney World. Constatant que la plupart des motels avoisinant le célèbre parc d’attractions de Floride hébergeaient des familles en situation précaire, Sean Baker a eu envie de réaliser un long métrage inspiré de l’enfance et des gens du coin. Mis à part William Dafoe (dans un subtil rôle de gentil manager de motel), il s’est entouré d’acteurs débutants et non-professionnels.

The Florida Project

Cela contribue à cette touche de fraîcheur cinglante qui caractérise l’ensemble de The Florida Project. Baker prend le parti audacieux et risqué d’exprimer sa pessimiste vision - celle d’une Amérique névrosée, honteuse et désargentée - à travers le regard insolent d’un groupe d’enfants délurés, auteurs de mille coups pendables. Tout en sachant très bien s’écarter d’un didactisme pesant, Baker cependant ne nous laisse rien ignorer de la réalité sordide de la vie des habitants du motel, hébergeant bon nombre de délinquants et de mères célibataires sans emploi. Par petites touches allusives et sans avoir besoin de recourir au voyeurisme, il nous confronte au quotidien d’Halley, âgée de 22 ans, jeune mère instable se prostituant occasionnellement.

The Florida Project

Déscolarisée, sa fille Moonee (6 ans) est d’ailleurs le personnage principal du film. C’est une enfant capricieuse et tyrannique, criant tout le temps. Devenue le chef d’une petite bande, elle sème la panique chez les autres locataires. Une autre fois, elle fait propager le feu dans une maison des environs immédiats. (Brooklynn Kimberly Princes, qui s’est illustrée dans des spots publicitaires pour Disney Junior, interprète Moonee.) Ces enfant livrés à eux-mêmes donnent au film toute son énergie à la fois burlesque et dérangeante. (Pour The Florida Project, Baker a notamment été inspiré par Petites canailles, une série de courts métrages des années 20 et 30 parlant d’enfants de familles pauvres pendant la Grande Dépression.)

The Florida Project

A travers ces enfants et surtout Moonee, Baker dessine le portrait d’une Amérique familiale boîteuse avec ses images parentales faibles (mère incapable, père absent, père de substitution au rabais (le manager du motel). Propulsé davantage sur le mode malicieux que misérabiliste The Florida Project semble en fait refléter bon nombre de tensions actuelles aux USA et ailleurs - pas uniquement sociales - entre parents et enfants, tous milieux confondus. Même si la représentation des enfants peut y sembler outrée à travers le personnage survolté de Moonee, le cinéaste puise son inspiration dans le quotidien : comportement alimentaire excessif, violence verbale, tyrannie enfantine, attachement puéril aux séries ou encore fascination idiote pour les réseaux sociaux. Choisissant de décrire cette jeunesse « désinhibée » sur le mode drolatique, Baker signe là un film aussi étrange que percutant, propice à méditer sur le thème par ailleurs ultrarabâché de l’éducation.

durée : 1 h 50

The Florida Project, un film de Sean Baker, Etats-Unis, 2017
Avec Willem Dafoe (Bobby),  Brooklynn Prince (Moonee), Bria Vinaite (Halley), Caleb Landry Jones (Jack),  Christopher Rivera (Scooty), Valeria Cotto (Janney)

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