lundi 14 septembre 2015

André Derain - Le titan foudroyé



« L’originalité voulue est le masque de la banalité ou de l’impuissance » 
(André Derain

Fruit d’une documentation très riche, André Derain - Le titan foudroyé de Michel Charzat est une biographie passionnante. 60 ans après la mort d’André Derain (1880-1954), monstre sacré de l’histoire de la peinture du XXe siècle, cet ouvrage nous fait découvrir l’univers intime d’un des artistes les plus créatifs et controversés de son époque.

« J’avais toujours constaté chez Derain une curiosité en émoi. Il était attiré par tout ce qui pouvait être un départ, et de tous les hommes que j’ai connus, c’était l’un des plus aptes à tout sentir, à tout comprendre, un des êtres les plus intelligents qu’il m’ait été donné de rencontrer sur ma route », écrivait Vlaminck à la fin de sa vie à propos de son ami Derain.

André Derain, Le Bal à Suresnes, 1903 
huile sur toile, 180 x 145 cm 
Saint Louis, The Saint Louis Art Museum

Dès son avant-propos, Michel Charzat - auteur d’une Jeune peinture française 1910-1940 [éditions Hazan, 2010] nous prévient à propos de l’homme : « Trop mobile ! Trop paradoxal ! » D’abord, l’on sent chez Derain une boulimie évidente. Cet homme massif, qui fut aussi un bourreau de travail toute sa vie, utilise tous les supports existants pour son art : peinture (bien sûr), sculpture, gravure sur bois, mobilier, faïence, panneaux, décors et costumes pour le théâtre, illustration d’ouvrages pour l’édition… Ensuite, en perpétuelle recherche stylistique, l’homme puise ses influences dans des domaines aussi variés que la sculpture africaine, le réalisme, les primitifs, la peinture hollandaise et flamande du XVIIe siècle, l’Antiquité romaine ou encore les icônes byzantines. « Derain tient dans sa main toutes les techniques, tous les genres et tous les styles », note Charzat.

André Derain, La Danse, 1906 
huile et détrempe sur toile, 185 x 228,5 cm 
Londres, Fridart Foundation, dépôt à la Courtauld Institute Gallery of Art

Incontournable dans les révolutions picturales, il est en 1905 au rendez-vous fauviste avec Matisse et Vlaminck puis quelques années plus tard à la grande messe cubiste avec Picasso et Braque. La biographie de Charzat offre l’image d’un homme marqué par l’ambivalence : un être à la fois rude et généreux, mondain et anticonformiste, passionné et reptilien, délicat et macho, posé et rebelle. Et l’on suit au fil des pages de ce livre fleuve, qui fourmille de détails sur la vie artistique et littéraire de la première moitié du XXe siècle [Satie, Cocteau, Vollard, G.Stein, Foujita, Apollinaire, Breton, Balthus, Vitrac, Pascin, Giacometti, Manguin, Léautaud…] cet étonnant parcours : l’enfance à Chatou dans un milieu petit-bourgeois plutôt aisé, la vie de peintre bohème et les rencontres décisives (Matisse, Braque, Picasso).

André Derain, Le Samedi, 1913
huile sur toile, 181 x 228 cm
Moscou, musée Pouchkine

Egalement, le traumatisme de la Première Guerre mondiale, la gloire et le temps des mondanités puis après 1945 son relatif oubli dû - en partie - à sa mise à l’écart de la part de la sphère politique et culturelle de l’époque. Derain connaît  une fin de vie pathétique, marquée par des problèmes conjugaux, de santé et par la confiscation de certains de ses tableaux. Ce qui frappe le plus chez cet artiste visionnaire, c’est peut-être ce dosage si subtil entre modernité et classicisme, qui donne à sa peinture un côté résolument magique. Ne déclarait-il pas à la fin de sa vie : « Il faut dans la peinture de l’impénétrable, de l’énigmatique et pourquoi pas de la magie ! » ?

André Derain - Le titan foudroyé par Michel Charzat, éditions Hazan, collection « Beaux-Arts », 384 pages, 2015 - 195 illustrations dont 91 reproductions en couleurs


Balthus, Portrait d’André Derain, 1936 
huile sur bois, 123 x 72,5 cm 
New York, The Museum of Modern Art 




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