lundi 29 octobre 2012

God Bless America




Film de Bobcat Goldthwait, cinéaste américain, également comique multicarte et réalisateur de talk-shows, God Bless America nous entraîne sur le mode parodique dans un road-movie des plus sanglants. A la suite d’un licenciement et de la découverte d’une tumeur au cerveau inopérable, un homme (Frank) entreprend de flinguer des célébrités de la télévision.
Lors de son premier crime, il rencontre une lycéenne déjantée (Roxy), fana d’Alice Cooper, aussi dérangée que Frank mais avec son propre style. Rapidement, le rythme du filme s’accélère, mettant en exergue ce couple détonant à la Bonny and Clide - lui froid, méthodique, avec une cruauté tout enrobée d’un discours philosophique ; elle, enfantine, délirante et soupe au lait. Tous deux sur leur route tuent toute personne qui leur déplaît. Par sa démesure morbide, l’inspiration de God Bless America puise dans les démons d’une Amérique trash et hystérique, sur fond de puritanisme et de violence. La télé, le harcèlement sexuel, la circulation – hypocrite – des armes, l’obsession procédurière, la fascination pour les lolitas, les religieux hypocrites, les politiciens pourris…, tout dans God Bless America semble imprégné d'une Amérique peu ragoûtante. Curieusement, le scénario de Goldthwait, plutôt bien ficelé, tient bon la route malgré ses exagérations. Il rappelle vaguement Tueurs-nés d’Oliver Stone - qui mettait en scène un couple justicier - mais en diffère par une problématique différente. Au-delà d’une critique des médias, forcément un peu convenue et politiquement correcte, Goldthwait pousse le bouchon un peu plus loin, n’hésitant pas à mettre en cause nos propres appétits pour ces émissions de télé réalité imprégnées de voyeurisme et de violence morale.


Tara Lynne Barr (Roxy) et Joel Murray (Frank)

  Joel Murray (Frank) et Tara Lynne Barr (Roxy

 « Pourquoi parler de civilisation quand on n’est plus capable d’agir de manière civilisée ? », demande, au début du film, Frank à un collègue de bureau embarrassé. Evidemment avec ce genre de film, l’on peut toujours s’interroger sur le risque du metteur en scène de tomber lui-même dans le piège de ce qu’il dénonce comme réactionnaire. Mais globalement, Goldthwait - et son humour bizarre - s’en sort plutôt bien. Au-delà de la dénonciation du cynisme des animateurs d’émissions de téléréalité - version moderne des jeux du cirque -, le cinéaste interroge le spectateur, scrutant les signes  d’hystérie, de passivité ou d'indifférence haineuse de ses personnages : le pétage de plomb de la fille de Frank, furieuse de ne pas avoir eu son IPhone, la tentative de suicide d’un chanteur simplet à la suite de son éviction à la télé. Dans leur délire fascisant, les personnages de Frank et Roxy rejoignent d’une certaine façon toutes ces grandes gueules de justiciers survitaminés - de Charles Bronson à l’Inspecteurs Harry ! - du cinéma américain. Mais dans God Bless America, il n’ y a ni dealer, ni bandit, ni bouc émissaire répugnant. Ce couple infernal tue M. tout le monde pour rien (une simple moquerie, une conversation bruyante dans un cinéma…). De façon métaphorique et gravement loufoque, Goldthwait nous suggère dans une fiction sulfureuse aux implications réalistes toute la difficulté à vivre au quotidien de l'individu urbain dans un enfer soft de manque de convivialité - et de respect d’autrui -, montré là dans toute sa banalité crue.

Film grinçant, God Bless America peut sembler parfois caricatural. Mais c’est un film original, avec du bon suspense et un scénario cousu béton.

durée : 1 h 40

God Bless America, un film de Bobcat Goldthwait, avec Joel Murray et Tara Lynne Barr, 2011, USA

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