lundi 20 novembre 2023

Le Horla




Après Le Portrait de Dorian Gray et Mademoiselle Frankenstein, Frédéric Gray met en scène Le Horla (1887) à La Folie Théâtre (Paris 11e). Inspiré par la sombre nouvelle de Guy de Maupassant (1850-1887), il en propose une adaptation forte, marquée par le sentiment de dépossession et la vision tragique de l'existence. Chef-d’œuvre du fantastique, Le Horla est l’histoire d’une aliénation. Le narrateur y raconte, sous la forme d’un journal intime écrit au fil de quelques mois, entre le 8 mai et le 10 septembre, l’emprise grandissante d’un mal invincible. Celui-ci s’achève sur des points de suspension qui laissent l’issue du récit en suspens : le narrateur s’est-il suicidé ?

Le Horla - A La Folie Théâtre

A-t-il sombré dans la folie ? Ou bien est-ce le Horla, cet être invisible qui se nourrit de lait et d’eau, qui a fini de le vampiriser ? Le thème de la folie a toujours obsédé l'auteur de  Pierre et Jean. Il l’explore dans ses textes aussi bien que dans sa correspondance. Outre son thème de la folie la modernité de la nouvelle tient en grande partie à son style simple et familier.  Dans Le Horla l'on est complètement immergés dans les pensées délirantes du narrateur, souffrant de phobies et d'hallucinations. Mais la description de son mal, sans doute indéfinissable, par le narrateur se fait toute en progression.

Le Horla - A La Folie Théâtre

Plutôt bucolique, la première phase de ce court texte de près de 30 pages est  la suivante : 
8 mai - Quelle journée admirable ! J'ai passé toute la matinée sur l'herbe, devant ma maison, sous l'énorme platane qui la couvre, l'abrite et l'ombrage tout entière. L'interprétation de Guillaume Blanchard  est intéressante. Elle se profile troublante dans sa façon moderne de décrire les maux du personnage, dans sa manière d'exprimer à la fois son incrédulité, son anxiété diffuse et sa révolte intérieure face à une situation qu'il ne maîtrise pas.

Le Horla - A La Folie Théâtre

A la fois persuasive et épurée la mise en scène nous suggère ce cheminement douloureux, entrecoupé de fréquentes manifestations d'angoisses et de moments rares d'accalmie. Interprétés finement par Olivier Troyon - en alternance avec Frédéric Gray - les personnages secondaires apparaissent furtivement au cours du spectacle, mettant d'une certaine façon en exergue cette solitude désespérée du narrateur. On signalera au passage la qualité de l'espace scénographique avec des lumières diffuses et d'étranges cadres suspendus ainsi que le curieux climat sonore de l'ensemble. 

Le Horla - A La Folie Théâtre

Le Horla est probablement  une des oeuvres les plus singulières  de Maupassant. D'abord  sans doute par son orientation littéraire nettement fantastique. Mais surtout parce qu'il touche au plus cruel la vie même de l'écrivain naturaliste.  Dans Le Horla  il y décrit des atteintes neurologiques, conséquences d'une syphilis où tout le corps est atteint et où le cerveau ne fonctionne plus normalement. (Bientôt, le narrateur sera atteint d’aphasie et d’hémiplégie, et sombrera lentement vers une issue fatale.)

Le Horla - A La Folie Théâtre

C’est justement ce qui arriva à Maupassant qui, comme le narrateur, songera au suicide et passera à l’acte. Il rata son suicide et sombra dans une semi-inconscience avant de mourir de ce que l’on appelait la paralysie générale, en fait la maladie de Bayle, ou neurosyphilis, le stade ultime de la maladie. Au final un spectacle intelligemment conçu, progressant dans un climat de forte intensité dramatique et rappelant la singulière osmose entre la nouvelle Le Horla et la mort tragique de Guy de Maupassant !

durée : 1 h 20

Le Horla de Guy de Maupassant
Adaptation et mise en scène : Frédéric Gray
Avec Guillaume Blanchard (le narrateur),  Olivier Troyon, en alternance avec Frédéric Gray pour les personnages secondaires

A La Folie Théâtre (salle Grande Folie)
6, rue de la Folie Méricourt
Paris 11e
horaires : les jeudis à 19 h 30, les  samedis à 18 h et dimanches à 18 h 

jusqu'au 4 février 2024















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