Au Théâtre de la Porte Saint-Martin, dans une mise en scène d'
Arnaud Denis,
Clémentine Célarié interprète puissamment
Jeanne, le personnage tourmenté et fantasque de
Une vie (1883), roman de
Guy de Maupassant.
L'idée de porter
Une vie au théâtre est intéressante. Tout d'abord parce que c'est une peinture remarquable des mœurs provinciales de la Normandie du XIXe siècle. Ensuite parce que l'écriture du roman, à la fois belle, acerbe et poétique rassemble bon nombre de thèmes qui ont construit toute la puissance, le mystère et la beauté du réalisme, toujours un brin fantastique, de l'univers maupassien : l'injustice, l'adultère, l'amour, le mariage, l'argent ou l'hypocrisie du monde bourgeois.
Clémentine Célarié adopte une approche sensitive et instinctive du texte.
© Lot - Une vie
Outre
Jeanne elle campe aussi
Julien le mari,
Rosalie la femme de chambre,
Paul le fils, le curé, les parents… Par une sorte d'éloquence naturelle elle parvient à transmettre simultanément le message - très maupassien - de l'hypocrisie des lois sociales pesant sur les femmes mais aussi un souffle pictural et poétique, notamment dans les descriptions de la Normandie, chère au natif de Tourville-sur-Arques, avec ses pluies incessantes, ses odeurs d'étable et de cidre, sa mer aux couleurs indécises ou ses nuages tourbillonnants. Entre confidences, cri de révolte et recueillement le ton de l'interprète se profile varié, original et piquant, souvent cinématographique. On signalera l'astucieux et suggestif décor dans lequel la comédienne se positionne sur un bout de falaise, lieu métaphorique signalant aux spectateurs la hauteur et les vertiges du ressenti de
Jeanne mais aussi la petitesse et les contradictions de sa galaxie immédiate (mari volage, amie infidèle, fils profiteur...)
© Lot - Une vie
Quant aux lumières blafardes de
Denis Koranski et aux étonnantes ponctuations sonores d’
Abraham Diallo et
Carl Heibert elles renforcent ce climat naturaliste - entre chien et loup - de poésie noire théâtrale, pas si éloigné de celui du Norvégien
Henrik Ibsen ou même, plus proche de nous, de son compatriote
Jon Fosse. Au final, ce spectacle se profile une belle réussite, portée par une mise en scène élaborée, une interprétation puissante et un texte phare de la littérature du XIXe siècle dont
Léon Tolstoï disait peu après sa parution :
Une vie est un roman de premier ordre ; non seulement c’est la meilleure oeuvre de Maupassant, mais peut-être même le meilleur roman français depuis les Misérables, de Victor Hugo (…).
durée : 1 h 30
Une vie d’après le roman de
Guy de Maupassant
Mise en scène :
Arnaud Denis
Avec
Clémentine Célarié
Reprise
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
Paris 10e
horaires : jeudi et vendredi 19 h ou 21 h ; samedi 19 h ou 16 h / 21 h. Dimanche 16h
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