lundi 6 septembre 2021

Expo Vincent Verdeguer - Dévorations Lentes



A la galerie Akié Arichi (Paris (11e) Vincent Verdeguer présente une vingtaine d'oeuvres récentes (peintures, estampes, dessins). Il y a tout juste dix ans l'artiste nous proposait de découvrir dans la même galerie, à l'occasion de l'expo Petites Histoires d'Hommes, un vibrant choix d'oeuvres sur ses thèmes fétiches : vie, mort, temps, énergie, passage. On y entrevoyait entre autres - sous le signe de la poésie étrange et pulsionnelle qui enveloppe son univers pictural - des moines encapuchonnés, des vieillards à la chevelure enfarinée, des poulpes chevelues, des mirages d'îles ou encore de monstrueuses autoroutes... 

Cavalier, 2020, 101 x 75,5 cm, technique mixte sur métal

Depuis une trentaine d'années l'oeuvre de Vincent Verdeguer se faufile entre abstraction et figuratif, se nourrissant amoureusement de matière - ou peut-être tout simplement de son grain de peau ! - et d'élans vertigineux de lumières. (Il est d'ailleurs cofondateur avec Tony Soulié et Michel Peloille du mouvement « la Peau »). Entre climat fantastique et univers organique, Vincent Verdeguer peint depuis longtemps des horizons diversifiés. Une palette d'inspiration très large qui l'a fait voyager, tel un Gérard Manset à la curiosité sans cesse éveillée, de la peinture des marais salants à Jim Morrison, des vertiges guerriers de la corrida à l'atmosphère nonchalante de portes et fenêtres d'Orient... 

Bestiaire, 2020, 20 x 10 cm, technique mixte sur papier

Cette oeuvre en gestation perpétuelle nous oriente vers la vision sans cesse renouvelée d'un univers d'Entre deux mondes. Avec cette nouvelle expo intitulée « Dévorations Lentes », fruit d'un long travail de trois années, Vincent Verdeguer poursuit cet étonnant cheminement pictural. Le poète Jean-Louis Giovannoni lui a écrit un texte lumineux à l'occasion de la sortie du catalogue. Entre art pariétal et bestiaire fantastique ces nouvelles oeuvres nous invitent à errer dans un cheminement labyrinthique de formes fugitives, de couleurs flamboyantes, d'indices de corps tordus comme dans les oeuvres Cavalier (2020) ou Disparition (2021). 

Monstre perdu, 2020, 101 x 75,5 cm, technique mixte sur métal

Ce qui interpelle avant tout dans cette peinture singulière, c'est la simplicité et l'éclat de cette beauté funèbre et rupestre, qui frappe notre imagination. A la fois raffinée et anxiogène, cette vision extrême de la vie on la repère par exemple chez un peintre comme Anselm Kiefer ou même un dessinateur comme Philippe Druillet. Subtilement et avec un certain humour (noir !) Jean-Louis Giovannoni fait écho à l'interrogation de l'artiste sur les cycles infernaux de la vie et de la mort. Ainsi : 

Années ou jours
Feront place nette.
Toute naissance est augmentation
Suivie de repas
Qui n'en finissent pas. 

Passage, 2019, 101 x 75,5 cm, technique mixte sur papier  

Et sans doute la force de cette peinture réside dans son fort pouvoir de suggestion comme ces apparitions indécises dans Ouverture (2019) dont les couleurs défraîchies et les formes zigzagantes rappellent curieusement la beauté surannée et intimidante de vieux cinémas ou théâtres new-yorkais abandonnés et engloutis par le temps. Dans Dévorations Lentes Vincent Verdeguer puise dans la confrontation des éléments et nous propose un décor théâtral. Avec ses fléchettes squelettiques et spectrales ses tableaux lézardent le temps comme dans Passage (2019) ou Monstre perdu I et II (2020), nous faisant méditer sur la douloureuse saisie-arrêt des choses mais aussi leur fantastique beauté. 

Bestiaire, 2020, 20 x 10 cm, technique mixte sur papier

Entre univers minéral, animal et végétal le corps nous apparaît dans ces Dévorations Lentes comme ce grand invité mystérieux un peu perdu dans les vertige du temps.
Corps magiques, corps en décomposition, corps en apesanteur, comme tombant...?
Inspiré Jean-Louis Giovannoni évoque ainsi dans le catalogue cette thématique majeure chez l'artiste :

Les corps cèdent
Tombent
On ne sait où.

Chacun produit sa poussière
Selon son corps
Sa substance. 

Ouverture, 2019, 101 x 75,5 cm, technique mixte sur métal

A propos de la matière si chère au peintre Jean Fautrier et qui a fait sa renommée, l'historien d'art Daniel Marchesseau, enthousiaste, écrivait ceci :

« Brûlante et rauque, matricielle dans la subtilité des hautes pâtes, elle [la matière] dirige l’œuvre d’une énergie contenue, comme le fleuve charrie ses eaux, puissantes, tumultueuses, pénétrantes. »
A la fois lyrique et maîtrisée, funèbre et lumineuse, l'expression picturale de ces Dévorations Lentes possède sans doute à la fois cette même fragilité, cette même beauté à la fois élégante et martiale ! A la fois guerriers et poétiques les tableaux de Vincent Verdeguer nous transportent d'emblée dans une autre dimension.

Expo Vincent Verdeguer - Dévorations Lentes
galerie Akié Arichi
26, rue de Keller
Paris 11e
horaires : du mardi au samedi de 14 h à 19 h et rdv

jusqu'au 10 octobre 2021

Entretien avec Vincent Verdeguer  (2019) - L'art de la découverte de soi
réalisé par Jean-Pierre Aoun





















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