lundi 12 octobre 2020

Comme une Vague !


© Jules Audry - Comme une vague ! Théâtre de Belleville

Au Théâtre de Belleville Jules Audry met subtilement en scène Comme une Vague ! d'après la pièce Les Malades d'Antonio Alamo, métaphore grinçante et ténébreuse sur la folie du pouvoir stalinien. Le 28 février 1953 Joseph Staline dînait pour la dernière fois avec ses quatre généraux. Le lendemain, il était retrouvé inanimé et quelques jours plus tard il mourrait. Au-delà du fait historique sur les derniers instants d'un des plus grands criminels de l'Histoire. Antonio Alamo s'attache dans Les Malades  à explorer les recoins les plus sombres  de ce dictateur fanatique, obsessionnel et sadique, que l'on surnommait  affectueusement (!) «  le petit père des peuples ».

© Jules Audry - Comme une vague ! Théâtre de Belleville

Comme une Vague ! explore non seulement la transformation de l'homme en tyran mais aussi toute la perversité du système stalinien. En effet, les  plus proches collaborateurs de Staline nous sont présentés comme de simples et  dociles caniches, jonglant entre ordres contradictoires et paranoïa systémique du maître.  Pour nous introduire  dans ce spectacle  sur les coulisses  du pouvoir stalinien Jules Audry a opté pour un climat discret et expressionnistes aux teintes terreuses.  L'on remarquera que la scénographie se profile minimaliste (renard empaillé, grande table). Dans leurs simples costumes 2 pièces élégants et cools  Malenkov, Beria, Boulganine et Krouchtchev nous apparaissent au début de la pièce comme d'inoffensifs fonctionnaires un peu grincheux. 

© Jules Audry - Comme une vague ! Théâtre de Belleville

Puis progressivement  le climat s'alourdit dans l'attente anxiogène de l'arrivée de Staline. Et derrière la futilité vestimentaire et l'apparente décontraction des convives réunis nous est suggérée intelligemment la barbarie honteuse du système. Quant à Staline, il nous est présenté dans un accoutrement débraillé, quelque part  entre rockeur de pacotille et gourou world.  Dans un jeu  puissant  de fausse bonhommie  Abdel Rahym Madi interprète avec beaucoup de charisme  ce Staline tour à tour conciliant et sadique, jouant constamment sur les nerfs et les fragilités  de ses quatre « otages » . Face à ce pervers narcissique de fin de règne les autres personnages nous apparaissent constamment sur la défensive avec un Beria  lâche, un Malenkov apeuré, un Boulganine diplomate  et un Khrouchtchev rebelle derrière sa servilité apparente.

© Jules Audry - Comme une vague ! Théâtre de Belleville

Ces quatre personnages de hauts dignitaires sont interprétés par des comédiens aguerris et instinctifs. Propulsé par  une habile progression narrative et une   esthétique sobre et raffinée  le spectacle dégage un évident fort climat.  Le ping-pong verbal mortifère  entre  maître et  subordonnés,  le jeu halluciné de langage sur fond de confusion, de  mensonges de menaces et de  manipulations -  la scène épique du jeu de la roulette russe entre Beria et Staline ! -, tout cela contribue à instaurer un rythme et un mystère  à Comme une Vague !  nous montrant des politiques corrompus happés  dans une spirale d'émotions violentes. Sous une forme un peu  cinématographique de thriller politique ce spectacle nous alerte sur l'accoutumance banale à la violence de tout régime fondé sur la dictature  et le culte de la personnalité.   

durée : 1 h 15

Comme une Vague !

Mise en scène : Jules Audry
Texte : Antonio Alamo
Avec Victor Fradet, Thibault Fernandez, Abdel Rahym Madi, Aurélien Pinheiro, Frederic Losseroy

Théâtre de Belleville
94, rue du Faubourg du Temple
Paris 11e






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