lundi 28 mars 2016

La Vie bien qu’elle soit courte


Pièce de Stanislas Stratiev (1941-2000), La vie bien qu’elle soit courte (1986) est une satire du système bureaucratique des démocraties populaires sous l’ère communiste. Inspirée par la modernité de ce texte malicieux, Sophie Accard en propose une mise en scène subtile et drôle au Théâtre Lucernaire.

Stanislas Stratiev est considéré en Bulgarie comme le maître de l’absurde. Ce journaliste, qui s’est tourné vers le théâtre dès 1974, prenait toujours dans ses pièces un malin plaisir [La veste de daim (1976), Le bus (1980)] à élaborer d’abracadabrantes paraboles pour dénoncer de façon voilée l’absurdité du régime bulgare. Mrozek en Pologne ou Havel en Tchécoslovaquie employèrent à la même époque des modes semblables de communication pour provoquer chez le peuple une réflexion salutaire. La dimension sociale et politique imprègne puissamment l’œuvre de Stratiev. Egalement, ses pièces - dont La vie bien qu’elle soit courte en est une illustration emblématique - nous frappent par une séduction tonique et étrange ainsi que par leur poésie un peu provinciale.

La Vie bien qu’elle soit courte - Théâtre Lucernaire


Pour son climat humoristique et inquiétant, cette Vie bien qu’elle soit courte peut faire songer au Gogol du Revizor mais aussi à Courteline et à Ionesco. Son ambiance caustique possède aussi la même verve pétillante de certaines des délirantes nouvelles de  Dubillard. D’emblée, ce texte décalé nous conduit dans les dédales loufoques d’un immeuble dans lequel un architecte (Stilianov) se voit contraint à demi dévêtu de sonner à toutes les portes pour quémander un bouton afin de raccommoder son pantalon. En effet, cet homme atypique et cultivé doit urgemment se présenter à une réunion. (Le matin même Stilianov a décidé de changer de vie et d’exposer devant l’assemblée son refus d’édifier de nouveaux et lamentables immeubles.) Au-delà d’une satire implicite de l’habitat social, le texte bulgare convainc par son humour savamment tordu et le punch de ses dialogues.

La Vie bien qu’elle soit courte - Théâtre Lucernaire

Dans sa quête éperdue de ce simple bouton, l’architecte sera confronté à toutes sortes de rencontres problématiques avec des locataires rusés, vicelards ou indifférents avant d’atterrir dans un mystérieux Atelier dans lequel il devra affronter les multiples caprices d’un fonctionnaire difficilement compréhensible. Les trois comédiens qui interprètent sur la scène le texte de l’auteur bulgare ont vraiment de la bouteille. Et Léonard Prain se révèle excellent dans ce rôle d’architecte ingénu et attentif, qui finit par péter les plombs devant l’absurdité et le ridicule d’un système bureaucratique que lui-même a contribué à faire prospérer. Le théâtre de Stratiev est très peu connu en France. C’est l’occasion à travers ce désopilant texte, intelligemment mis en scène, de découvrir un auteur majeur du XXe siècle !

durée : 1 h 15

La Vie bien qu’elle soit courte, de Stanislav Stratiev
Mise en scène : Sophie Accard
Avec Sophie Accard, Tchavdar Pentchev, Léonard Prain

Théâtre Lucernaire (salle le paradis)
53, rue notre-Dame-des-Champs
Paris 6e

jusqu’au 7 mai 2016

Stanislav Stratiev

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