L’histoire se déroule dans le décor bucolique d’un château breton à proximité de la mer et de rochers escarpés. Nous sommes en 1770. Marianne, peintre, est mandatée pour réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune femme venant de quitter le couvent. Introduite auprès d’elle, en tant que dame de compagnie, elle a pour mission de peindre en secret la jeune fille, qui refuse de poser. En une intéressante progression narrative les émotions et les sentiments des deux jeunes filles nous sont finement suggérés.
Portrait de la jeune fille en feu
Dans un jeu sobre où les jeux de physionomie sont plus qu'éloquents Adèle Haenel interprète sur un ton juste ce personnage d'aristocrate bretonne, semblant dès le début traumatisée par ce mariage arrangé par sa mère avec un riche Milanais. Quant à Noémie Merlant elle est remarquable dans un rôle de séductrice paisible ayant choisi de consacrer sa vie à l’art et à la liberté. Céline Sciama avait déjà abordé le thème de l’homosexualité féminine, notamment dans La Naissance des Pieuvres (2007) et Bande de filles (2014) mais jamais dans un contexte historique.
Portrait de la jeune fille en feu
S’inscrivant idéalement dans cette longue tradition littéraire de la seconde moitié du XVIIIe siècle, riche en rêveries sensuelles et en élans voluptueux, les deux actrices sont très convaincantes dans ce rôle de duo amoureux tout en progression. La captation psychologique du visage du modèle par le peintre, l’ambiguïté intrinsèque du rapport intime entre le premier et le second, la tension érotique qu’elle secrète puis le sentiment d’exclusivité et de jalousie... Tout cela est au centre d'un long métrage chaste à l'esthétique puissante et aux contours indécis, qui peut se voir aussi comme une étude du lien amoureux en devenir.Film historique en costumes à l'atmosphère constante entre chien et loup Portrait de jeune fille en feu s'inscrit aussi dans une longue tradition romantique avec comme décor principal une nature sauvage, la mer houleuse, un château figé dans le temps avec ses boiseries, ses parquets et ses couleurs indécises. Dans cet environnement à la fois mélancolique et grandiose la réalisatrice a su capter l’expressivité des visages et leur fondamentale ambivalence. La forme théâtrale des dialogues, la symbolique des gestes, la relativité de la parole et l’immobilité pénétrante des visages..., tout nous rappelle le fameux cinéma bergmanien, et plus particulièrement Persona (1966), un de ses films les plus personnels.
Portrait de la jeune fille en feu
En outre de nombreuses scènes dégagent un fort climat pictural comme les ballades des deux femmes dans les dunes ou les moments intimes passés avec la servante dans la cuisine. Par leur éclairage ou leur rusticité les scènes d’intérieur évoquent souvent des tableaux de Georges de La Tour ou des frères Le Nain. Outre son fort climat sensoriel, le film nous suggère la condition sociale des femmes, notamment celle des artistes du XVIIIe siècle. Cette période connut une véritable ébullition de vocations artistiques, notamment avec la mode du portrait. Néanmoins excepté certaines artistes comme Elisabeth Vigée Lebrun, Artemisia Gentileschi ou Angelica Kauffmann la plupart vécurent dans le strict anonymat que leur imposait leur condition de femme. Mêlant habilement message moderne et climats romantiques, Portrait de jeune fille en feu se profile un long métrage particulièrement prenant.
durée : 2 h
Portrait de la jeune fille en feu, un film de Céline Sciama, couleur, France, 2019
Avec Noémie Merlant (Héloïse), Adèle Haenel (Marianne), Luana Bajrami (Sophie)
Valeria Golino (la comtesse)
Portrait de la jeune fille en feu
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