lundi 15 avril 2019

Jean Ginsberg, la naissance du logement moderne



Dans un beau livre intitulé Jean Ginsberg, la naissance du logement moderne Philippe Dehan honore l'oeuvre de cet architecte moderniste plébiscité par la bourgeoisie parisienne des Années folles.


Fils d’un industriel polonais, Jean Ginsberg (1905-1983), quoique moins connu que Le Corbusier (pour qui il travailla)  ou Mallet-Stevens (dont il fut l'élève), a influencé l’histoire architecturale par un souci permanent de répondre aux meilleures conditions d’habitabilité. Constructeur de 1 500 logements en France et à Monaco, Ginsberg a réalisé vingt immeubles dans le XVIe dont certains sont devenus de véritables icônes architecturales comme celui du 42, avenue de Versailles (1933) et  celui du 5, avenue Vion-Whitcomb (1936).

42, avenue de Versailles, Paris 16e, 1933-1934.

Le premier surprend par son jeu savant de courbes et de contre-courbes ; le second, par ses excentricités modernistes - chaque étage est pourvu de fenêtres différentes. Celui du 25, avenue de Versailles est également réputé. Le bâtiment est bourré d’innovations techniques : fenêtres à guillotines escamotables dans les allèges, nouveaux radiateurs, portes métalliques… La composition originale et séduisante est rehaussée par une colonne qui part du rez-de-chaussée pour s’élancer jusqu’au septième étage. Architecte et urbaniste, l’auteur évoque donc cette immense production, qui s’étend de 1930 à 1975. (Dans l’annexe figure un répertoire pratique recensant les principaux projets et réalisations de Ginsberg.)

5, avenue Vion-Whitcomb, Paris 16e
Le salon d'un appartement du 3e étage, dans lequel Ginsberg installera son agence après guerre.

Chronologique et enrichi de nombreuses photos le livre  est d’autant plus intéressant qu’il nous montre la profonde cohésion du travail de Ginsberg, notamment dans son souci permanent d’embellissement dans ses choix futés de plans d’eau, de pelouses, de terrasses, de toits-jardins ou de couleurs des matériaux. Il fut l’un des seuls à intégrer les arts plastiques (sculpture, mosaïque, fresque) à l’architecture, faisant appel à des artistes avant-gardistes tels que Vasarely, Gilioli ou Bloc.  (Vasarely a plusieurs fois collaboré avec lui  notamment en 1958 pour l' immeuble de la rue Canou (1958), dont il réalisa une importante composition en mosaïque.)

37-39, boulevard Murat et 2, rue de Civry, Paris 16e, 1964-1967.
Façade sur la rue de Civry. Les balcons créent un effet  cinétique. Le rez-de-chaussée, associé à un entresol, constitue un soubassement dans lequel la séquence courbe de l'entrée du 25,  avenue de Versailles est une nouvelle fois réinterprétée.


Une bonne part de sa production provient de commandes pour des immeubles et appartements en banlieue parisienne (Meaux, Meudon, Massy, Montrouge, Courbevoie, Poissy). Pour Philippe Dehan, une des caractéristiques du style Ginsberg réside dans « des logements bourgeois, de petite taille, au plan très rationnel ». Dans le contexte du boom économique de la fin des années 1960, il construira également des résidences immobilières sur la côte méditerranéenne, notamment à Cannes et à Monaco.

Façades de l'aile centrale et de l'arrière de l'immeuble de la rue de Civry.
Deux patios se greffent sur l'aile centrale pour éclairer des locaux semi-enterrés, implantés au niveau du boulevard.

Si sa production d’après-guerre abondante convainc généralement moins, Ginsberg reste aux côtés d’Abella, Madeline ou Hennequet une des figures discrètes et emblématiques de ce Mouvement moderne. Son goût pour les bâtiments à la fois fonctionnels  et élégants, avec fenêtres en bandeau ou  pilotis qui surélèvent l’immeuble, le range définitivement  du côté des modernistes !

Philippe Dehan, Jean Ginsberg, la naissance du logement moderne, éditions du Patrimoine,  collection « Carnets d'architectes  ». 172 pages, 140 illustrations, broché, 16,5 x 21 cm, 2019

Jean Ginsberg sur un des chantiers dans les années 1950.

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