Riche de nombreuses œuvres prêtées par des musées russes l’expo du Grand Palais
Rouge -Art et utopie au pays des Soviets explore la spécificité de l’art en Russie soviétique à travers ses artistes officiels.
A travers un lot copieux de tableaux, d’affiches, de maquettes et de photos l’expo fleuve du Grand Palais met en exergue l’histoire méconnue de l’art et de la propagande sous
Lénine et
Staline. (L’expo est d’autant plus intéressante que de nombreuses archives cinématographiques sillonnent le parcours, nous projetant dans l’histoire brûlante des idéologies artistiques de l’URSS, de la révolution d’octobre 1917 à la mort de
Staline en 1953.) Dès la révolution russe cet art nouveau se vit dans un profond rejet des formes artistiques traditionnelles et revendique une fusion totale de l’art dans la vie quotidienne à travers des médiums populaires comme le cinéma, le théâtre, le photomontage ou le design.
Youri Pimenov, La nouvelle Moscou, 1937, huile sur toile
© Adagp, Paris, 2019 / photo Collection de la Galerie nationale Trétiakov, Moscou
Youri Pimenov, La nouvelle Moscou, 1937, Huile sur toile, 139,5 x 171 cm.
Les nouvelle élites du réalisme socialiste honnissent les anciens lieux (palais, salons) considérés comme « bourgeois » et veulent les remplacer par d’autres comme la rue ou maison du peuple, plus en adéquation avec les diktats révolutionnaires. Le « Nouvel homme soviétique » se retrouve ainsi partout dans l’art monumental soviétique. L’homme idéal doit être un modèle de courage, de force, de discipline, d’intelligence, de conscience professionnelle et de croyance dans le socialisme pour le peuple soviétique, qui devait s’en inspirer. (On signalera dans cette expo une archive de film de propagande particulièrement édifiante mettant en scène d'ingénus adolescents faisant l'apologie du système !) Quant aux appartements, rues, usines, halls et palais de la culture, ils sont décorés de gigantesques fresques, bas-reliefs, peintures et mosaïques qui dépeignent la vie idéale des ouvriers et des paysans, mais aussi les avancées dans les domaines industriel, agricole et spatial.
Isaac Brodsky, Devant le cercueil du chef, 1925, huile sur toile
© Moscou, Musée national d’histoire
Isaac Brodsky, Devant le cercueil du chef, 1925, Huile sur toile, 124 x 208 cm.
A travers les salles l’on suit ainsi d'un oeil nouveau des œuvres de figures clés de la propagande de l’ère socialiste (
Gustav Klucis,
Vladimir Maïakovski, Lioubov Popova, Alexandre Rodtchenko ou
Varvara Stepanova). Clair et instructif le parcours de l’expo nous apprend que même sous le vernis de la propagande un certain esprit d’avant-garde et d’audacieuses recherches stylistiques ont pu frayer leur chemin. Cependant pas pour très longtemps : dès la période stalinienne le réalisme socialiste s’orienta vers le kitch, l’esbroufe monumentale et des formes radicalement pompières. De nombreux tableaux de propagande prêteront à sourire comme l’amusante toile de 1938 d’
Alexandre Deïneka représentant
Staline en promenade automobile avec des enfants ou encore celle de
Vassily Svarog montrant le Père des peuples et les membres du Politburo se dandinant parmi des gamins au Parc Gorki. Passionnante, cette expo vulgarisante permet finalement de mieux comprendre les ruptures et les continuités de l’art engendré par le socialisme, sorte de monstre glouton alternant entre modernité triomphante et conformisme le plus total selon ses appétits politiques irrationnels !
Expo
Rouge - Art et utopie au pays des Soviets
Grand Palais - galeries nationales - entrée Clemenceau
3, avenue du général Eisenhower
Paris 8e
horaires : du jeudi au lundi de 10 h à 20 h, mercredi de 10 h à 22 h, fermé le mardi
jusqu'au 1er juillet 2019
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