lundi 29 janvier 2018

Expo Jean Fautrier - Matière et lumière


© André Ostier, Jean Fautrier, 1958

A travers une importante rétrospective le Musée d’Art moderne de la ville de Paris rend hommage à Jean Fautrier (1898-1964), peintre majeur du XXe siècle, paradoxalement peu connu du grand public.


Paysages sombres - glaciers et lacs gris et froids -, natures mortes indéterminées, portraits ambigus  et nus fantomatiques… D’emblée, la peinture de Fautrier intrigue par son climat résolument suggestif et étrange. Fautrier se profile un  artiste « inclassable ». Son anticonformisme et sa modernité sinueuse  s'inscrivent peut-être trop  en décalage de mouvements et de repères picturaux basiques. Ses débuts d’ailleurs (1921-25) se déroulent sous le signe d’une réaction anticubiste. Et bien qu’André Malraux et Jean Paulhan lui servirent d’intercesseurs, sa peinture ne fut guère prisée à ses débuts. Par son climat, la peinture de Fautrier se rapprocherait plutôt de celui de l’Europe du Nord ou de certains artistes flamands.

Crédit photographique : Eric Emo/Parisienne de Photographie © Adagp, Paris, 2017
La promenade du dimanche au Tyrol (Tyroliennes en habit du dimanche), 1922, Huile sur toile, 81 x 100 cm.

Ses tableaux sombres peuvent parfois faire songer  à de Vlaminck, voire à Derain, Delvaux ou même Balthus   pour l’immobilité fixe qui se dégage  de ses  nus et portraits. Parmi ses portraits de groupe les plus curieux présentés dans cette expo, l’on signalera La promenade du dimanche au Tyrol (1922) et Trois Vieilles Femmes (1923). Ses énigmatiques portraits/nus ainsi que ses natures mortes particulièrement étudiées peuvent rappeler aussi l'oeuvre de  l'artiste anglais Walter Sickert (1860-1942). Ce dernier fut d’ailleurs son professeur à la Royal Academy de Londres. Fautrier y fut admis à 14 ans. [Dès 1908, la mère de Fautrier s’installa dans la capitale anglaise.] Exhaustive et proposant un parcours chronologique précis, l’expo Jean Fautrier - Matière et lumière présente donc environ 200 œuvres - dont près de 160 tableaux, dessins et gravures, ainsi qu’un important ensemble de scultures. Au fil des salles, l’on découvrira  toute la sombre virtuosité et la passion pour la matière de cet artiste atypique.

Crédit photographique : Eric Emo/Parisienne de Photographie © Adagp, Paris, 2017
Le grand sanglier noir, 1926, Huile sur toile, 195,5 x 140,5 cm.

L'on passera de sa période noire, marquée par une réinterprétation aventureuse des natures mortes du XVIIIe siècle [Fautrier appréciait beaucoup le délicat Chardin !]  à ses variations nouvelles sur les paysages en passant par ses dessins incisifs et ses illustrations littéraires. Cependant, la carrière de Fautrier connut des éclipses. (Il abandonna même la peinture - entre 1934 et 1939  il travailla dans les Alpes comme hôtelier et moniteur.) Aujourd’hui, redécouvert, il est considéré comme le plus important précurseur de l’art informel de la fin des années 20 et comme un exceptionnel explorateur  de la matière. Fautrier se révèle l’une des figures les plus marquantes de l’art moderne postcubiste. A propos de cette matière si chère au peintre et qui a fait sa renommée, l'historien d'art Daniel Marchesseau enthousiaste écrit  ceci :
« Brûlante et rauque, matricielle dans la subtilité des hautes pâtes, elle [la matière]  dirige l’œuvre d’une énergie contenue, comme le fleuve charrie ses eaux, puissantes, tumultueuses, pénétrantes. »

Expo Jean Fautrier - Matière et lumière
Musée d’Art moderne de la ville de Paris
11, avenue du Président Wilson
Paris 16e
horaires : tous les jours (sauf lundis et jours fériés) : 10 h-18 h, nocturne le jeudi jusqu’à 22 h

jusqu'au 20 mai 2018











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