Dans Génération « J’ai le droit », Barbara Lefebvre dresse un constat amer du système éducatif français, dénonçant tout à la fois nivellement par le bas, dérives pédagogiques et violence ascendante chez certains élèves des établissements scolaires.
En 2002 avec Georges Bensoussan Barbara Lefebvre avait signé le prémonitoire Territoires perdus de la République (2002), livre qui racontait l'antisémitisme, le sexisme et l'islamisme - au quotidien - déferlant dans les collèges et les lycées de la région parisienne. Certains thèmes de Génération « J’ai le droit » sont brûlants d'actualité. Cette semaine même, le magazine L'Express * publie un dossier spécial sur le mal-être en milieu scolaire ainsi qu'une enquête sur un lycée en état de guerre [lycée Gallieni de Toulouse], faisant écho à l'invraisemblable quotidien d'un établissement professionnel ponctué d'agressions de professeurs et d'élèves, de menaces de mort, d'armes en circulation, d'incendies volontaires, le tout sur fond de sexisme et de racisme généralisés. (Certains élèves cherchant à reproduire au lycée les codes mafieux de la cité (racket, trafic de drogue, harcèlement de jeunes femmes...) Dans Génération « J’ai le droit » l’auteure entend dénoncer plus particulièrement une faillite générale de l’école mais dénonce aussi cette violence de plus en plus sournoisement présente dans les établissements. A la lire, l’institution, déjà plus que centenaire (!) aurait renoncé à la plupart de ses idéaux : instruire, permettre une ascension sociale, inculquer des valeurs communes. Davantage qu’un grand ventre mou institutionnel creux et conformiste, l’école serait plutôt l’otage volontaire de différents groupes de pression identitaires et d’une façon générale la victime d’enjeux qui dépassent sa propre sphère : racisme, antisémitisme, sexisme, culte de l’individualisme, rejet des valeurs humanistes - celles nées en Occident avec les Lumières. Visiblement passionnée par son métier - l’auteure a été enseignante dans bon nombre de collèges et lycées des zone dites « sensible », son livre semble avant tout tenter de scruter tout ce qui se cache derrière le politiquement correct, c'est à dire tout ce qui contribue depuis une trentaine d ‘années à la dégradation du système éducatif. Au-delà du ton vif de cet ouvrage, l’on sent dans l'ensemble un vécu, une vraie réflexion d’ensemble sur la question. Ce qui n’est pas toujours le cas dans la flopée d’ouvrages qui paraissent chaque année aux rayons « Education » et autres, outre le profond ennui que distille souvent leur lecture prenant leur source dans un pédagogisme aussi désuet que conformiste. Génération « J’ai le droit » scrute donc de A à Z le système éducatif : profs, projets pédagogiques, politiques, parents d ‘élèves, programmes, filières, circulaires … Tout y est analysé méticuleusement ! Des plus récentes réformes scolaires aux conceptions pédagogiques de la table rase des années 60/70, le livre nous renseigne clairement sur toutes les conséquences du relativisme culturel. Et le poids se révèle assez lourd : programmes d’histoire zappés (au profit de cartes simplifiées et de thèmes à la mode), programmes de géographie souvent orientés, excès du Tout-Numérique (tablettes) sans aucun recul par exemple sur les effets néfastes (notamment la santé de l'élève), abandon en français d’une pédagogie de la culture centrée sur de grands textes littéraires au profit de de vagues typologies discursives, abandon progressif de la chronologie (pourtant source essentielle de repères culturels)… Egalement, le livre aborde l’épineux problème de la baisse de qualité des cours due aux méthodes parfois discutables de la formation et du recrutement des enseignants. L’auteure pointe du doigt la stratégie de la victimisation qui se cache derrière un nombre de plus en plus élevé de revendications communautaires. Elles proviennent le plus souvent de parents d’élèves se présentant comme victimes d’une injustice, alors qu’eux-mêmes distillent un discours de rejet et de haine (contre la France, l’Occident...) Le temps semble bien loin où Jean Zay, cité d'ailleurs par l’auteure, pouvait dire ceci à propos de l’école : cet « asile inviolable où les querelles des hommes ne pénètrent pas ». Génération « J’ai le droit » décortique tout ce qui perce derrière les beaux slogans à la mode comme « égalité des chances », « vivre ensemble » ou « l'école républicaine », au passage tarte à la crème verbale récurrente de nos élites. Le livre souligne autant les œillères politico-pédagogiques de l’institution que sa grande vulnérabilité par rapport aux groupes de pression. Au final, le constat se profile très amer, nous alertant sans phare de la toute-relativité de l'épanouissement de nos enfants au sein de cette école française mais aussi nous signalant le désarroi du personnel enseignant, souvent de qualité et plein de bonne volonté, mais démuni face à la stupidité et le manque d'autorité d'une hiérarchie, par ailleurs ultrapolitisée et ventre mou.
L'Express * n° 3474 semaine du 31 janvier au 6 février 2018, « Un lycée en état de guerre »
Barbara Lefebvre, Génération « J’ai le droit » - La faillite de notre éducation, éditions Albin Michel, 239 pages, 2018
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