lundi 26 juin 2017

Ava





Dans Ava, Léa Mysius nous propose un drame intimiste aux contours expressionnistes avec pour décor les plages ensoleillées du Médoc. Premier long métrage de la réalisatrice, Ava est un étonnant film surfant entre road-movie psychologique, film naturaliste et fable philosophique.


L’histoire d’Ava se profile plutôt flottante - celle d’une jeune fille de 13 ans apprenant au cours de ses vacances qu’elle va perdre rapidement la vue - et s’inscrit dans un film d’été plein de couleurs, célébrant à la fois la beauté des éléments naturels (vent, sable, eau) et la noce désireuse des corps adolescents. Imprégnée d’un réalisme aigu, la première partie du film nous laisse entrevoir le désarroi du personnage principal féminin (Ava) à travers un conflit larvé entre cette adolescente et son entourage familial.

Ava

A la fois peu loquace et manquant d’assurance, nous la voyons - par écran interposé - promener ses yeux sombres et sa mine boudeuse sur le monde. Coincée entre une jeune sœur capricieuse, qu’elle rechigne à garder pendant les vacances, et une mère soixante-huitarde (Maud), qui sans complexes affiche devant elle son corps déjà mûr et ses petits amis, Ava nous apparaît comme l'ado/oiseau blessé par excellence, à la fois possédé par le vague désir charnel, des récriminations restées secrètes et l’impérieuse demande de nouveauté que réclame son âge. La rencontre inopinée d’un jeune gitan, escorté d’un chien noir, provoque chez elle ce bouleversement. Et la seconde partie du long métrage prendra une coloration beaucoup plus métaphysique. En effet, la réalisatrice explore l’étrange relation amoureuse qui unit Ava et le jeune homme (Juan), qui l’entraîne dans une fuite dangereuse. Cela donne à l’ensemble un petit parfum du Pierrot le Fou (1965) de Jean-Luc Godard

Ava

D’autant plus que le côté improvisé de cette escapade est lié à l’urgence et au temps. Ce dernier est d’ailleurs évoqué par la narratrice (Ava), appréhendant constamment la maudite épée de Damoclès pesant sur sa cécité prochaine. L’idée de liberté et d’enfermement se révèle fort vivace dans ce film par ailleurs peuplé de symboles étranges et d’images léchées, ce qui donne à l’ensemble un côté éminemment pictural et littéraire mais aussi sombre et politique [les inquiétant policiers à cheval de la plage à la recherche de Juan]. Troublante dans sa belle nudité sculpturale et sans complexes, Noée Abita - qui rappelle un peu par son apparence et son jeu l’actrice Adèle Exarchopoulos - habite pleinement ce personnage d’adolescente indécise, écartelée entre naïveté enfantine et goût pour les jeux dangereux.

Ava

Gitan andalou, Juan Cano, dont c’est également le premier rôle, interprète de façon réaliste l’instinctif et sombre Juan. Quant à Laure Calamy, elle interprète sur un ton enjoué et naturel Maud, cette mère décalée et déjà d'une autre époque, sentant progressivement sa fille lui échapper. Par sa construction cinématographique originale, par son climat psychologique aventureux et par son raffinement esthétique, Ava évoque un peu le réalisme magique, cher à un certain cinéma intimiste contemporain d’orientation sud-américaine. Inscrivant ses personnages dans le décor lunaire des dunes de la région girondine, Ava reflète à la fois l’urgence inquiète des attentes adolescentes et leur passion sentimentale pour le jeu, donnée existentielle qu’explorait déjà André Pieyre de Mandiargues dans son délicat roman « Le lis de mer » (1956). 

durée : 1 h 45

Ava, un film de Léa Mysius, comédie dramatique, France, 2017

Avec Noée Abita (Ava), Laure Calamy (Maud), Juan Cano (Juan), Tamara Cano (Jessica)

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