Replis identitaires, mondialisation de l’économie, médiocrité médiatique, conformisme de l’hypermodernisme... Dans un essai titré Le Choc des incultures, Francis Balle interroge les tensions du monde contemporain, proposant des solutions pour atténuer la crise des valeurs et désamorcer les intégrismes.
Le fossé n’a pas cessé de se creuser, partout dans le monde, depuis l’aube du XXIe siècle, entre les conformistes qui ne vivent que de l’air du temps, et les identitaristes qui s’accrochent désespérément aux traditions ou aux particularismes de leur lieu de naissance ou de vie, écrit Francis Balle dans un chapitre intitulé « La convergeance des incultures ». Dans un livre abondamment inspiré par les sursauts de l’actualité, l’auteur spécialiste des médias [Les Situations de communication (1991), Les Médias (2000)] propose à travers Le Choc des incultures une vision analytique à la fois claire et audacieuse des principaux conflits idéologiques à l’échelle mondiale, voyant dans l’incompréhension réciproque entre conformistes ultramodernistes et identitaristes hypertraditionalistes la source majeure du divorce culturel entre individus ou peuples ainsi qu’une porte ouverte aux intégrismes. Livre pertinent, boosté par des angles de vue aiguisés et variés, Le Choc des incultures nous change agréablement de bon nombre d’essais soporifiques et bien-pensants, bavassant aimablement sur le même ton consensuel - un peu mou et souvent ennuyeux - sur l’éducation, la politique, le terrorisme ou les médias ! Incisif mais nuancé, ce Choc des incultures a sans doute pour principal mérite de nous alerter - sans moralisme, sans démagogie et sans catastrophisme - sur les risques bien réels que fait courir à l’échelle mondiale l’accumulation de tous les nihilismes et fanatismes sur nos libertés. Dans cet essai court et informatif, l’auteur se penche notamment sur la problématique de la mondialisation avec des analyses souvent pertinentes. Il en décortique les enjeux, invitant le lecteur à travers des exemples tirés de l’histoire, de la philosophie ou de la sociologie à reconsidérer cette « mondialisation », terme à la fois omniprésent dans les médias et curieusement très vague. En outre, l’auteur cite judicieusement des auteurs aussi divers que Platon, Nietzsche, de Romilly, Arendt, Burckhardt, Bourdieu ou Lipovetsky. Les pages consacrées à l’essor des technologies numériques, à l’industrie de l’entertainment, au rôle ambigu des médias, au choc des civilisations et au fossé idéologique entre d’un côté savants et scientifiques et de l’autre artistes et intellectuels sont particulièrement révélatrices. « Ce ‘clair-obscur’ [terme d’Antonio Gramsci exprimant le passage de l’ancien au nouveau monde] nous semble aujourd’hui indéchiffrable. On en connaît seulement les manifestations, celle d’un malaise dont on ignore encore la source », note Balle (p.8). Egalement, l’auteur voit en l’école et la famille des alliés précieux pour le combat de l’éducation contre les incultures.
Francis Balle, Le Choc des incultures, éditions l’Archipel, 144 pages, 2016
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