lundi 16 novembre 2015

La Double Inconstance






Comédie fine et spirituelle de Marivaux (1688-1763), La Double Inconstance (1723) nous parle de pouvoir et d’amour, de jeu des sentiments et de positionnement mondain. Captant la profondeur psychologique de la pièce et sa portée sociale, Adel Hakim en propose une moderne et séduisante mise en scène au Théâtre d’Ivry Antoine Vitez.


Contemporain de Laclos et de Sade, Marivaux fut au XVIIIe siècle un des auteurs les plus brillants de son époque. Dans une langue à la fois simple et chatoyante, il explorait - dans ses romans et pièces de théâtre - les mécanismes de l’amour naissant, ses suites ainsi que les stratégies et les jeux de pouvoir mis en place dans la haute société.

© Nabil Boutros - La Double Inconstance - Théâtre d’Ivry Antoine Vitez

Davantage que la cruauté ou la satire, le ton des comédies de Marivaux oriente généralement le spectateur vers un réalisme social critique et un univers poétique tempéré. Le début de l’histoire de La Double Inconstance se profile quelque peu mélo, voire gnan-gnan : un souverain (Le Prince) veut épouser une de ses sujettes (Silvia). Il la fait enlever et séquestrer. La Belle aime un autre homme (Arlequin) et quoique bénéficiant de toutes les faveurs du Prince, elle refuse de se soumettre à sa volonté. Heureusement, Marivaux parvient toujours à créer la surprise. Eloigné de la littérature larmoyante en vogue au siècle des Lumières (style Nivelle de La Chaussée), Marivaux séduit par un ton vif et sa façon personnelle de décrire les métamorphoses de l’esprit et de l’âme - d’où sa réputation de « sensibilité sans mièvrerie » qui a fait son succès.

© Nabil Boutros - La Double Inconstance - Théâtre d’Ivry Antoine Vitez

Malicieuse et tonique, la mise en scène d’Adel Hakim nous suggère les hésitations ainsi que la condition sociale de ses personnages. Par leur élocution et leurs costumes Silvia et Arlequin sont ainsi   « métamorphosés » en jeunes de banlieue, offrant un savoureux contraste avec les représentants du pouvoir (Le Prince, L’Officier) et leurs intermédiaires douteux (Flaminia, Trivelin). Même si les strates sociales paraissent évidentes dans la pièce La Double Inconstance, l’on reste dans un univers - relativement - indéterminé sans méchants ni gentils. Et comme dans L’Echange de Claudel - malgré la rudesse de certains des personnages - chacun y apparaît, malgré ses multiples masques, plus complexe qu’il ne donne à voir.

© Nabil Boutros - La Double Inconstance - Théâtre d’Ivry Antoine Vitez

Ainsi Flaminia se profile tour à tour manipulatrice et altruiste ; Le Prince, hypocrite et conciliant ; Arlequin, futile et généreux. Les sentiments de Silvia et d’Arlequin se profilent fluctuants, terriblement humains… Pour eux, l’attrait d’une vie plus confortable, agrémentée de serviteurs, de beaux vêtements et de soupers fins ne se fera pas sans douleur. L’injonction sociale selon laquelle Silvia doit épouser le Prince semble être le fil conducteur de cette pièce aux multiples rebondissements. Propulsée par le jeu spontané de comédiens inventifs et par une scénographie raffinée incorporant ingénieusement les mythes éternels de l'Eros en peinture, cette adaptation de La Double Inconstance se révèle un superbe spectacle.

durée : 2 h 15

La Double Inconstance, de Marivaux
Mise en scène : Adel Hakim
Avec Lou Chauvain (Lisette), Frédéric Cherboeuf (Le Prince), Etienne Coquereau (un Seigneur), Malik Faraoun (Trivelin), Jade Herbulot (Silvia), Mounir Margoum (Arlequin), Irina Solano (Flaminia)

Théâtre d’Ivry Antoine Vitez
1, rue Simon Dereure
94200 Ivry
horaires : du mardi au samedi : 20 h ; le jeudi à 19 h ; le dimanche à 16 h - relâches les lundis

jusqu’au 29 novembre 2015

© Nabil Boutros - La Double Inconstance - Théâtre d’Ivry Antoine Vitez

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