lundi 1 juin 2015

Loin de la foule déchaînée





Adapté d’un roman du poète et romancier Thomas Hardy (1840-1928), Loin de la foule déchaînée de Thomas Vinterberg [Festen (1998), La Chasse (2012)] emporte le spectateur dans les mystères de l’Angleterre rurale du XIXe siècle. Le long métrage surfe entre drame réaliste et vibrante fresque historique, dans la tradition des plus beaux films en costume.

Par son climat au naturalisme noir, ce nouveau film du réalisateur danois rappelle un peu le Tess (1979) de Roman Polanski, également adapté d’un livre de Hardy. Et l’on y retrouve les thèmes caractéristiques de son œuvre, comme le désir d’émancipation des femmes, le poids des conventions ou l’hypocrisie sociale. Privilégiant un mode d’expression stylisé - orienté vers d’expressifs gros plans de visages et la beauté des paysages -, Vinterberg nous entraîne dans le quotidien d’une communauté du Dorset regroupée autour d’une femme (Bathsheba Everdene), ayant fraîchement hérité, par son oncle, d’une grande ferme.

Loin de la foule déchaînée

Loin de la foule déchaînée décrit son combat quotidien au sein du domaine pour s’imposer dans ce monde d’hommes ainsi que le rapport privilégié qu’elle entretient avec trois d’entre eux : un fermier idéaliste (Gabriel Oak), un sergent de l’armée (Frank Troy) et un vieux célibataire argenté (William Boldwood). Ruralité, mariage, amour, désir, mort, honneur, rivalité, résignation… Le télescopage de la convention romantique et de l’expression psychologique réussit plutôt bien à Vinterberg, offrant dans son film une résonance intuitive aux interrogations de l’auteur de Jouets du temps. D’ailleurs, dans cette façon moderne de traiter littérairement des problèmes humains, Hardy rejoint bon nombre de ses contemporains comme Maupassant, Tchekhov, Ibsen, Zweig ou le Suédois Söderberg (1869-1941). Partageant de sa propre manière les interrogations des romans de Hardy, Söderberg questionne également - dans Gertrud (1906) - le désir d’indépendance et la vulnérabilité de la femme, confrontée à trois hommes/archétypes.

Loin de la foule déchaînée

 Le long métrage de Vinterberg convainc surtout par sa portée suggestive, mettant en exergue les aspirations et les failles de chacun, proposant un portrait psychologique « ouvert » de Bathsheba Everdene et des trois principaux personnages masculins. Vinterberg ne se contente pas d’aborder la nature conflictuelle des relations humaines. En cinéaste humaniste et sans intention moralisatrice, il met l’accent sur la capacité de ses personnages à surmonter leurs difficultés dans le quotidien. Egalement, Loin de la foule déchaînée est boosté par l’évocation de la beauté - et rudesse - des paysages du Dorset et par la description du mode de vie rural lié au domaine. Il en émane de l'ensemble un aspect très pictural - des forêts embrumées aux travaux des champs - pouvant faire songer à des tableaux de Millet, de Gainsborough ou de Daubigny. On signalera donc la photographie très soignée de Charlotte Christencen ainsi que la musique composée par Craig Armstrong. Au final, un film très convaincant par le ton juste des personnages et le raffinement des décors.

Loin de la foule déchaînée



durée : 2 h

Loin de la foule déchaînée, un film de Thomas Vinterberg, UK - USA, VOST, 2015
Avec Juno Temple (Fanny Robin), Carey Mulligan (Bathsheba Everdene), Michael Sheen (William Boldwood), Matthias Schoenaerts (Gabriel Oak), Tom Sturridge (Sergent Frank Troy)


Loin de la foule déchaînée

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