lundi 6 avril 2015

Independence



Serpentant entre drame et comédie, Independence - pièce de l’auteur américain Lee Blessing - lorgne vers les rivages de la famille et de ses secrètes souffrances. De cette histoire étalant sous toutes les coutures le conflit larvé entre une mère et ses trois filles Joël Coté propose une mise en scène subtile et convaincante à La Manufacture des Abbesses.

Rien que pour le fort climat tensionnel qui se dégage d’Independence, l’on pourrait situer la pièce quelque part entre la problématique familiale du théâtre de Lagarce et une œuvre cinématographique comme Sonate d’automne (1978) de Bergman, qui exprimait de façon cruelle et poétique l’incommunicabilité entre une mère pianiste concertiste (Charlotte) et sa fille (Ava).

Independence - La Manufacture des Abbesses

 Cependant, Independence n’est pas une œuvre totalement sombre. Il s’en dégage même un certain humour - certes à fleur de peau - dû tant aux situations et aux personnages qu’au fil narratif original de cette histoire qui se déroule dans une petite ville de l’Amérique profonde. Independence évoque les insolites retrouvailles - après quatre ans d’absence - d’une jeune femme (Kim) dans la maison de son enfance. Dans ce coin perdu de l’Iowa, elle y revoit ses sœurs (Jo et Sherry) et surtout sa mère Evelyn, ancienne patiente psychiatrique. La problématique cohabitation entre cette mère - simultanément tendre, égocentrique, tranquille, manipulatrice - et chacune de ses filles à la personnalité caractéristique donne le ton de la pièce qui séduit par son réalisme inquiétant et sa saveur grinçante.

Independence - La Manufacture des Abbesses

 Le spectacle est boosté par le jeu très naturel de quatre comédiennes persuasives. Et l’on assiste à un véritable champ de massacre psychologique, constamment dissimulé derrière l’intimité de cadeaux hasardeux, d’inoffensives parties de Scrabble ou d’échanges banals sur le voisinage ou un passé familial idéalisé. Terrorisée à l’idée que ses enfants l’abandonnent, Evelyn se profile comme le personnage noir et fatal d’Independance, une sorte de Cronos au féminin dévorant symboliquement l’énergie de Kim, Jo et dans une moindre mesure celle de Sherry. La fin du spectacle - que l’on ne dévoilera pas - donne la mesure de la puissance de l’emprise psychologique de cette mère (très spéciale) sur ses enfants ainsi que la conception de la liberté de ces derniers. Au final, une pièce surprenante, mettant en exergue les rapports conflictuels mère-fille sous une forme moderne !

durée : 1 h 30

Independence, de Lee Blessing
Mise en scène : Joël Coté
Avec en alternance : Eliane Bernard, Christiane Devaux (Evelyn) ; Amélie Amilhau, Iliana Boubekeur (Kim) ; Flavie Alaux, Adèle Nicolas (Jo) ; Emaé Berlet, Hélène Gounot (Sherry)

La Manufacture des Abbesses
7, rue Véron
Paris 18e
du jeudi au samedi à 21 h et dimanche à 17 h

jusqu’au 31 mai 2015





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