lundi 19 janvier 2015

Le Révizor




Comédie grinçante de Nicolas Gogol (1809-1852), Le Révizor (1836) plonge le spectateur dans la Russie provinciale du XIXe siècle avec ses castes étriquées de privilégiés ridicules. La metteuse en scène Paula Giusti pétrit l’ironique pâte du célèbre auteur du Journal d’un fou (1835), insufflant à ce Révizor une verve théâtrale toute poétique.

Souvent considérée come la plus savoureuse des pièces de Gogol, Le Révizor est une pièce janus à la fois sarcastique et tendre, quelque part entre vaudeville, farce politique et comédie de caractères avec comme toile de fond la vanité des notables et leur mauvaise conscience. Khlestakov (le faux inspecteur) symbolise dans la pièce l’empêcheur de tourner en rond, celui qui suscite à la fois peur et fascination chez cette drôle communauté de notables représentée par un juge, un bourgmestre, un inspecteur des collèges, un directeur des hôpitaux et un propriétaire foncier. Tous superficiellement solidaires se trouvent empêtrés dans un curieux quiproquo portant sur l’identité d’un étrange aristocrate (Khlestakov) récemment arrivé dans le village et considéré comme l’inspecteur du gouvernement (le Révizor)

Le Révizor ou l’inspecteur du gouvernement - Théâtre de la Tempête 

Subtilement, la metteuse en scène a choisi un pari risqué mais audacieux, choisissant un pantin pour incarner Khlestakov, marionnette manipulée par le serviteur Ossip, personnage rusé qui devine rapidement tout l’intérêt pécuniaire qu’il peut tirer de cette méprise. Par son intrigue minimaliste au premier abord, Le Révizor peut paraître d’un intérêt limité. D’autant plus que cette Russie campagnarde de la première moitié du XIXe siècle - décrite par Gogol - avec ses hobereaux et ses petits maîtres accapareurs peut sembler aujourd’hui un peu surannée. En fait, le spectacle s’avère très persuasif et la magie théâtrale opère avec 8 excellents comédiens, rassemblés autour de la marionnette du Révizor, sorte de figure allégorique de la crédulité/stupidité humaine. Evoluant sur la scène sur un mode chorégraphique dans un tourbillon de malentendus et dans ce climat baroque à souhait, la personnalité de chaque notable - affublé d’un nez en silicone - nous est malicieusement suggérée. L’on signalera le désopilant bourgmestre Anton (un mix de Louis de Funès et de Groucho Marx) interprété avec beaucoup de finesse bouffonne par Laure Pagès. Fortement imprégnée par un discret espace musical et par les attitudes corporelles des personnages, cette nouvelle adaptation du Révizor au charme aussi étrange que poétique constitue une des surprises théâtrales de ce début d’année.

Le Révizor - Théâtre de la Tempête 

durée : 1 h 50

Le Révizor ou l’inspecteur du gouvernement de Nicolas Gogol
texte français : André Markowicz
adaptation et mise en scène : Paula Giusti

Avec Dominique Cattani  (Ivan Kouzmitch, directeur des postes,  Ossip, serviteur et manipulateur du mannequin Khlestakov)Florent Chapellière (Louka Loukitc, inspecteur des collèges) ; Stéphane Ilitch (commissaire de police) ; Larissa Cholomova (Maria, fille d’Anna et Anton - une femme de chambre de l’auberge - une marchande)  ; Mathieu Coblentz (Ammos Fiodorovich, le juge - un gendarme - un marchand) ; Sonia Enquin (Anna, la femme du bourgmestre - la petite femme de ménage de l’auberge - une marchande) ; André Mubarack (Artémi Filippovitch, directeur des hôpitaux - un garçon de l’auberge - un marchand) ; Laure Pagès (Anton, le bourgmestre - une marchande) ; Florian Westerhoff (Dobtchinski, propriétaire foncier - cuisinier de l’auberge - un marchand)

Théâtre de la Tempête (salle Serreau)
Cartoucherie, Route du Champ-de-Manœuvre
Paris 12e
du mardi au samedi à 20 h, le dimanche à 16 h

jusqu’au 15 février 2015


portrait de Nicolas Gogol en1840 par Otto Friedrich von Möller




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