lundi 30 janvier 2012

L’hiver de la culture



Dans son pamphlet L’hiver de la culture, Jean Clair, historien d’art et ancien directeur du Musée Picasso, dénonce la massification et le mercantilisme de l’art contemporain.
Son ouvrage pourra agacer certains par l’affirmation un peu solennelle de ses goûts esthétiques et  quelques considérations parfois intempestives sur l’art, le sacré et l’histoire. La dénonciation de quelques impostures liées à la déferlante d’art bizness constitue peut-être la partie la plus intéressante de ce livre court mais fourmillant d’exemples. Déjà   Grands et petits secrets du monde de l’art [Catherine Lamour et Danièle Granet, éditions Fayard, 2010], longue enquête sur le marché international de l’art, et Où est passé l’art [Christian Delacampagne, éditions du Panama, 2007], percutant essai sur les dérives de l’art contemporain, offraient large matière à réflexion sur un monde de l’art devenu au fil des années plutôt glauque. Fin connaisseur des musées et des lubies du milieu artistique, Clair en dresse d’ailleurs un constat tout aussi amer que ses prédécesseurs.

 Dans L’hiver de la culture, l’auteur de Malaise dans les musées  entend dénoncer, en ce début du XXIe siècle, aussi bien la marchandisation outrancière de l’art contemporain que les excès d’une gestion de type technocratique par les élites culturelles. Mais l’art et l’argent n’ont-ils pas toujours formé un couple aussi incestueux qu’inséparable ? Les peintres, selon les époques, étaient tributaires de rois, de princes ou de marchands d’art -  certains peintres impressionnistes, véritables bêtes de somme salariées, dépendaient même matériellement  de  protecteurs,  certes parfois esthètes mais néanmoins avides. L’hiver de la culture évoque  l’évolution inquiétante – voire mortelle - de ce marché de l’art. Les vrais décideurs de l’art contemporain sont devenus les traders et les banques,  imposant leurs artistes comme des poulets d’abattage sous la complicité bienveillante des collectionneurs et des élites culturelles, reconverties dans le marketing  - par exemple  Koons à Versailles ou le colloque du Louvre très/trop flatteur à l’égard du discutable Otto Muehl.

 Finalement, Clair ne fait que  constater le climat malsain et ambigu  entourant les arts plastiques, dans lequel les créatifs ne sont pas toujours les mieux lotis. Il met sur la sellette l’élite culturelle, ou plutôt celle qui encense les Damien Hirst, les Maurizio Cattelan, les Jan Fabre et autres  Serrano !  Jean Clair  a une belle image métaphorique  pour illustrer son propos : « Les gesticulations convenues des gens d’Eglise et des fonctionnaires d’Etat admirant l’ « art  contemporain », si contraire à leurs fonctions et à leur mission, évoquent les pantomimes burlesques des Fêtes des Fous lorsque le Moyen Age touchait à sa fin. » (page 141)

  Jean Clair, L’hiver de la culture, éditions Flammarion, collection « Café Voltaire », 141 pages, 2011



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