Dans le documentaire Madame Hofmann Sébastien Lifshitz nous propose un portrait vivant et réaliste d'une cadre-infirmière d'aujourd'hui mais aussi une description minutieuse des conditions de vie dans un hôpital marseillais.
Dans La Traversée (2001), road movie mélancolique et atypique, le cinéaste filmait le voyage de Stéphane Bouquet - son scénariste - à la recherche d’un père inconnu, ex GI. .Pour Adolescentes (2019) Lifshitz avait filmé sur cinq années Anaïs et Emma, deux amies de Brive-la-Gaillarde. Réalisateur d'une dizaine de documentaires Lifshitz semble fasciné à la fois par la dimension humaine et sociale de l'individu. A travers ses films, véritables portraits et études sur le monde contemporain, qui évitent subtilement les travers cinématographiques du misérabilisme et de la compassion pompeuse, il semble avant tout intéressé par l’angle de la vie quotidienne.
A travers ce fil conducteur exigeant il nous raconte des histoires de personnes, dont le parcours et la construction ont souvent été complexes et difficiles, et qui ont dû se confronter à beaucoup de résistance. D'autres fois c'est un parcours plus simple qui nous est raconté mais avec de possibles frictions avec un environnement conjugal, professionnel ou familial. Dans Madame Hofmann, le cinéaste documentariste nous raconte le quotidien de Sylvie Hofmann, infirmière en chef d’un service d’oncologie (service médical spécialisé dans les tumeurs cancéreuses) en poste depuis quarante ans à l’Hôpital Nord de Marseille. Il nous la montre dans ses journées à rallonge entre ses patients et ses collègues, mais aussi au sein de sa famille proche où l'on découvre sa mère, son mari et sa fille.
Femme tendre et énergique, Sylvie consacre ses journées aux autres depuis toujours et confie à plusieurs reprises avec humour face à la caméra sa satisfaction de prendre une retraite bien méritée. On la voit donc à travers ses journées à rallonge dans l'hôpital marseillais, véritable petite boule d'énergie dynamisant ses équipes, à l'aube de sa retraite. A travers la description de ce service d'oncologie avec ses rites et son personnel, le film de Lifshitz nous montre toute l'utilité de ces femmes le plus souvent mal payées et ayant peu de reconnaissance sociale malgré leur dévouement. (Dans le long métrage Sylvie Hofmann nous rappelle que la durée professionnelle du métier d'infirmière n'est que de 7 ans.)
Outre les conditions de travail rendues de plus en plus difficiles Madame Hofmann aborde des thèmes plus confidentiels comme le rapport des infirmières aux corps de leurs patients et à leur santé mentale sans oublier le rapport si particulier entre la vie et la mort, qui est au coeur même de l'hôpital. Pour autant Madame Hofmann n'est pas un film triste, que l'on qualifierait plutôt de joyeux avec une pointe de mélancolie. Au-delà du charisme et de l'énergie positive de Sylvie qui se dégage dans sa fonction quotidienne le film questionne notre accès même et notre regard face à la santé. Une des scènes nous montre d'ailleurs un patient atteint du cancer et peu enclin à continuer son traitement face à un thérapeute incrédule.
Madame Hofmann
La proximité de Sylvie - elle-même confrontée à la maladie - avec le monde de la santé nous est notamment décrite à travers sa connivence avec son mari et sa mère, eux-mêmes ayant connu des problèmes de santé. Cette dernière, Micheline, a eu un parcours de vie digne d’un roman de Zola : immigrée italienne, orpheline à 7 ans, séparée de sa sœur toute petite, commençant à travailler très tôt dans les champs. Elle est entrée à l’hôpital comme femme de ménage, a passé un concours interne pour devenir aide-soignante et a fait toute sa carrière à l’hôpital. Elle s’est sauvée de la misère de sa petite enfance, elle aussi par la méritocratie républicaine et par son incroyable force intérieure. Outre la délicatesse du portrait Madame Hofmann constitue aussi un vibrant hommage à toutes ces familles modestes, qui au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avaient choisi de s'épanouir dans le milieu hospitalier marseillais.
durée : 1 h 45
Madame Hofmann, documentaire de Sébastien Lifshitz, France, 2024
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