lundi 13 novembre 2023

MANOUCHIAN - Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française


Quatre-vingts ans après son exécution et celle de ses camarades de l’Affiche rouge, Missak Manouchian fera son entrée (le 28 février 2024) au Panthéon, accompagné de sa femme Mélinée. Intitulé MANOUCHIAN - Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française, cet ouvrage très documenté retrace l’itinéraire exceptionnel et héroïque de ce couple de résistants communistes, tous deux orphelins survivants du génocide des Arméniens de 1915.
En reconstituant le parcours des Manouchian, les trois historiens Astrig AtamianClaire Mouradian et Denis Peschanski ont mené une enquête dans des archives inexplorées jusque-là. De nombreux documents inédits – photographies, correspondances, archives familiales, policières et administratives... – jalonnent ce passionnant récit.
Missak Manouchian dans l’armée française.
© Archives Manouchian / Roger-Viollet 

Le 2 septembre 1939, alors que la France et l’Angleterre déclarentla guerre à l’Allemagne qui a lancéses troupes contre la Pologne la veille, Missak Manouchian est arrêté. Il est doublement suspect, comme étranger et comme communiste, surtout depuis la signature du Pacte germano-soviétique. II est finalement libérédébut octobre et rejoint l’armée conformément àla loi d’avril 1939 sur la mobilisation des réfugiés et apatrides. Cela correspondait semble-t-il àses souhaits puisqu’on trouvera dans son dossier d’étranger un «certificat d’aptitude physique au service militaire pour naturalisation» en date du 18 décembre 1933, accompagnant sa première demande de naturalisation.


Photographie de Mélinée Assadourian prise dans les années1930 par le photographe arménien Hrand.
© Archives Manouchian / Roger-Viollet

Missak et Mélinée se sont rencontrés dans le Paris du Front populaire et c’est ensemble qu’ils s’engagent au sein d’un groupe armé très actif de la Résistance, les FTP-MOI de la région parisienne. Repérés, filés, arrêtés et torturés par les policiers français au service de l’occupant allemand, 23 d’entre eux sont condamnés à mort lors du procès de l’Affiche rouge : 22 seront fusillés le 21 février 1944 et la vingt-troisième, Golda Bancic, sera guillotinée en Allemagne quelques semaines plus tard.
La magnifique dernière lettre de Missak à Mélinée, rédigée quelques heures avant son exécution, inspire un vibrant poème à Aragon, puis une chanson à Léo Ferré, inscrivant Manouchian dans la mémoire collective. L’odieuse Affiche rouge, placardée dans toutes les grandes villes de France en 1944 et dénonçant « l’armée du crime », est ainsi devenue un emblème de la Résistance. On a voulu faire de ces combattants des criminels, on en fera des héros.

Recto du tract « Des libérateurs ? La libération par l’Armée du crime ! »
© Musée de la Résistance nationale à Champigny-sur-Marne / AAMRN

 
Ce tract, qui reprend à l’identique le visuel de l’Affiche rouge, présente les portraits de dix hommes, sous chacun desquels figurent le nom, l’origine, la religion ou l’appartenance au parti communiste, ainsi que le nombre d’attentats commis. Ce document illustre la propagande allemande et collaborationniste, associant xénophobie, antisémitisme et anticommunisme.


source : éditions  Textuel

* visuels et légendes in le livre MANOUCHIAN - Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française

MANOUCHIAN - Missak et Mélinée Manouchian, deux orphelins du génocide des Arméniens engagés dans la Résistance française, relié, Histoire, relié, éditions Textuel, 192 pages, 250 images, 2023


Auteurs : Astrig Atamian, Claire Mouradian, Denis Peschanski


Astrig Atamian est historienne, chercheuse associée au CERCEC à l’EHESS, spécialiste du mouvement communiste arménien en France. Autrice de plus d’une centaine de notices biographiques pour le dictionnaire Maitron, elle prépare un ouvrage sur les communistes arméniens en France, à paraître aux Presses universitaires de Rennes.

Claire Mouradian est historienne, directrice de recherche émérite au CNRS et enseignante à l’EHESS, spécialiste de l’Arménie et du Caucase. Elle contribue aussi à la publication des Documents diplomatiques français, série « Deuxième Guerre ». Elle a publié notamment L’Arménie (PUF, coll. « Que-sais-je ? », 2022).

Denis Peschanski est historien, directeur de recherche émérite au CNRS, spécialiste de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et des sciences de la mémoire. Il a notamment publié, avec Stéphane Courtois et Adam Rayski, Le Sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance (Fayard, 1989) et coécrit le documentaire La Traque de l’Affiche rouge réalisé par Jorge Amat (2007).

Dernière lettre de Missak à Mélinée Manouchian , le 21 février 1944, jour de son exécution.
 (Recto et verso)
© Archives Manouchian / Roger-Viollet « 21 février 1944 »

 Fresnes Ma chère Mélin[é]e, ma petite orpheline bien-aimée. Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillés cet après-midi à15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas, mais pourtant, je sais que je ne te verrai plus jamais. Que puis-je t’écrire ? Tout est confus en moi et bien clair en même temps. Je m’étais engagédansl’armée de la Libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. Bonheur ! à ceux qui vont nous survivre et goûter la douceur de la liberté et de la paix de demain. Je suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la Liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand et contre qui que ce soit, chacun aura ce qu’il méritera comme châtiment et comme récompense. Le peuple allemand et tous les autres peuples vivront en paix et en fraternité après la guerre qui ne durera plus longtemps. Bonheur ! à tous ! —J’ai un regret profond de ne t’avoir pas rendue heureuse. J’aurais bien voulu avoir un enfant de toi, comme tu le voulais toujours. Je te prie donc de te marier après la guerre, sans faute, et d’avoir un enfant pour mon honneur, et pour accomplir ma dernière volonté. Marie-toi avec quelqu’un qui puisse te rendre heureuse. Tous mes biens et toutes mes affaires je les lègue à toi et à ta sœur, et pour mes neveux. Après la guerre tu pourras faire valoir ton droit de pension de guerre en tant que ma femme, car je meurs en soldat régulier de l’armée française de la Libération. Avec l’aide des amis qui voudront bien m’honorer, tu feras éditer mes poèmes et mes écrits qui valent d’être lus. Tu apporteras mes souvenirs, si possible, à mes parents en Arménie. Je mourrai avec mes 23 camarades tout à l’heure avec [le] courage et[la] sérénité d’un homme qui a la conscience bien tranquille, car personnellement je n’ai fait [de] mal à personne et si je l’ai fait, je l’ai fait sans haine. Aujourd’hui, ily a du soleil. C’est en regardant au soleil et à la belle nature que j’ai tant aimée que je dirais Adieu ! à la vie et à vous tous ma bien chère femme et mes bien chers amis. Je pardonne àtous ceux qui m’ont fait du mal ou qui ont voulu me faire du mal sauf à celui qui nous a trahis pour racheter sa peau et ceux qui nous [a] vendus. Je t’embrasse bien bien fort ainsi que ta sœur et tous les amis que je connaisse de loin ou de près, je vous serre tous sur mon cœur. Adieu.Ton ami, ton camarade, ton mari. Manouchian Michel P.S. : J’ai quinze mille francs dans la valise de la rue de Plaisance. Si tu peux les prendre, rends mes dettes et donne le reste à Armène. M.





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