lundi 19 février 2018

Ruses et plaisirs de la séduction




Dans son ouvrage Ruses et plaisirs de la séduction, à travers une vaste galerie de portraits de séducteurs et séductrices - de Tullia d’Aragon à Emma Lady Hamilton en passant par les sulfureux libertins du XVIIIe siècle et les courtisanes du Second Empire -, Marie-Francine Mansour propose un  étonnant document sur les codes politiques et amoureux de la séduction.


Sans doute, ce livre aussi touffu qu’érudit - de près de 400 pages - et écrit dans une langue claire a entre autres  mérite de faire découvrir des personnages historiques peu connus du grand public. Parmi ces grandes figures de la séduction l’on découvre  la scandaleuse Aspasie, hétaïre  née au IVe siècle avant Jésus-Christ. Elle fut connue pour sa relation improbable avec l’homme d’Etat athénien Périclès. Quant à Veronica Franco,  emblématique personnage de la courtisane lettrée de la Venise du XVIe siècle, ele fut immortalisée - par son amant le Tintoret - dans un célèbre tableau intitulé Portrait d’une courtisane. Poétesse renommée, Franco fut même l’unique courtisane poétesse du Cinquecento à avoir publié son œuvre de son vivant. Des créatures mythiques de l’Ancien Testament aux femmes fatales du cinéma parlant, en passant par l’impressionnante cohorte des grandes cocottes de la Belle-Epoque, l’ouvrage de Mansour  propose un tour du monde particulièrement aventureux, regorgeant d’amusantes anecdotes et de drames passionnels. De nombreux repères biographiques saisissent au plus près la psyché de cette cohorte de séducteurs. Son livre se révèle d’autant plus intéressant qu’il replace à chaque fois ces hommes et femmes  dans le contexte politique, social et artistique de leur époque. Dans Ruses et plaisirs de la séduction, on apprend notamment beaucoup de choses  sur l’évolution des cours européennes du Moyen Age à la période classique, notamment à travers le parcours de deux célèbres séductrices : Agnès Sorel et la marquise de Pompadour. Sorel fut la première favorite royale à être traitée comme une seconde reine. Evoquant les changements sociaux et vestimentaires qu’elle apporte à la cour, Mansour note (p. 91) : « [...] Avec elle, la cour de Charles VII, de morne et rigide, devient allègre et libre. Elle bouscule les usages et impose un nouvel art de vivre à l’image de celui qu’elle a connu auprès de René et d’Isabelle [souverains d’Anjou connus pour s’être entourés d’artistes et de savants] ». Quant à la seconde, célèbre favorite de Louis XV, elle aurait laissé un souvenir plus que mitigé. Certains critiquèrent ses dépenses somptueuses et son influence politique sur le roi ; d’autres argumentèrent qu’elle fut une solide mécène des arts et aussi protectrice des philosophes des Lumières. Quant au  XVIIe siècle, il apparaît dans Ruses et plaisirs de la séduction comme le grand siècle où éclot les nouveaux codes de relation amoureuse entre hommes et femmes. C’est aussi l’époque des femmes savantes, cultivées, raffinées, objets par ailleurs des innombrables railleries de l'illustre Molière. A propos de ces femmes libres, Mansour écrit (p.102) : « Elles séduisent autant par l’intelligence que par le sexe ; retiennent leurs amants autant par l’amitié que par le désir. L’art de la séduction est devenu définitivement français. »

Marie-Francine Mansour, Ruses et plaisirs de la séduction, éditions Albin Michel, 376 pages, 2018




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