Au Théâtre 13 avec grand talent Jean-Philippe Daguerre met en scène l’amusant et irrévencieux Clérambard (1950), pièce phare du romancier Marcel Aymé (1902-1967).
Grand maître de l’inconfort intellectuel, toute sa vie Marcel Aymé brocarda à souhait la bourgeoisie et tous les snobismes de son époque à travers des romans drôles et corrosifs, de La Jument verte (1933) à Uranus (1948) en passant par Le Bœuf clandestin (1939). Après la guerre, le théâtre devint pour l’auteur français son genre préféré pour dénoncer par l’humour les conformismes sociaux. Ecrit entre deux autres pièces - Lucienne et le boucher (1947) et La Tête des autres (1952) -, Clérambard possède toute l’espièglerie burlesque des grands crus d’Aymé.
Clérambard - Théâtre 13
photo : Grégoire Matzneff
Clérambard - Théâtre 13
photo : Grégoire Matzneff
Il nous invite à nous interroger sur l’extrême ambiguïté résultant du nouveau positionnement comportemental d’Hector (le personnage principal), tyran domestique reconverti en bon samaritain et fou de Dieu. Riche en personnages secondaires spontanément drôles - le fils (Octave) un peu simplet, la femme (Louise de Clérambard), un peu entremetteuse, la belle-mère, un peu égarée - cette comédie se profile plus délirante sur le fond que sur la forme. Egalement, l'intimiste petit théâtre psychologique d’Aymé laisse transparaître un humour davantage politique à travers les personnages secondaires du Curé, de la prostituée (la Langouste) et des Galuchons famille de notables cherchant à tout prix de marier leur fille aux Clérambards.
Clérambard - Théâtre 13
photo : Grégoire Matzneff
S’écartant astucieusement de tout jeu hystérique (ce qui se révèle un exercice difficile dans ce genre d'histoire aussi alambiquée), les excellents comédiens de la Compagnie théâtrale Le Grenier de Babouchka expriment avec beaucoup de subtilité la part de folie qui sommeille en chacun de leurs personnages. Dans le rôle de Hector de Clérambard on signalera la belle performance de Franck Desmedt, dont le timbre de voix rappelle celui de Francis Huster.
Clérambard - Théâtre 13
photo : Grégoire Matzneff
Au-delà des allusions au contexte politique et social de l’époque, notamment à travers les moqueries anticléricalistes d’Aymé, Clérambard frappe surtout par la modernité de son message théâtral. La pièce se moque de l’hypocrisie des mœurs de ses contemporains, introduit la notion de double langage au coeur même de l'identité de l'individu. Avec les armes de l'humour, comme son contemporain Jules Romains dans Knock ou le Triomphe de la médecine (1923), l'auteur du Passe-muraille y dénonce la futilité mensongère du langage pseudohumaniste et donc la facilité de manipuler les masses.
durée : 1 h 40
Clérambard
Texte : Marcel Aymé
Mise en scène : Jean-Philippe Daguerre - Le Grenier de Babouchka (Ile-de-France)
Avec Grégoire Bourbier (Le curé / Saint François d'Assise ; Isabelle de Botton (Madame de Léré) ; Séverin Delbosse (Madame Galuchon) ; Franck Desmedt (Comte Hector de Clérambard) ; Antoine Guiraud (Vicomte Octave de Clérambard) ; Hervé Haine (Un aveugle/le musicien/le Docteur) ; Romain Lagarde (Maître Baluchon) ; Guylaine Londez (Comtesse Louise de Clérambard) et Flore Vannier-Moreau (La Langouste/Evelyne Baluchon).
Théâtre 13 Jardin
103 A Boulevard Auguste Blanchi
Paris 13e
horaires : du mardi au samedi à 20 h, dimanche à 16 h, relâche le lundi
jusqu'au 23 décembre 2017
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